vendredi 30 mars 2018

#Dossier du Vendredi - Loi sur le secret des affaires - Attention Danger




Tribune - Loi sur le secret des affaires : un danger pour nos libertés 
 

Un collectif de journalistes( dont Alternatives économiques fait partie), de syndicats et d’associations se mobilise contre une proposition de loi portant sur le secret des affaires. Ce texte pourrait empêcher de porter à la connaissance du public des affaires comme celles du Mediator, du Bisphenol A ou encore des Panama Papers et du Luxleaks.
L’Assemblée nationale et le Sénat s’apprêtent à remettre en cause nos libertés fondamentales en votant, selon une procédure accélérée, une proposition de loi portant sur le secret des affaires.
Ce texte, qui sera étudié en séance publique à l’Assemblée nationale le 27 mars et qui porte sur « la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites », est la transposition d’une directive européenne adoptée en 2016 malgré les mises en garde des ONG, des syndicats, des journalistes et l’opposition massive des citoyens.





A lire Alternatives Economiques n°377 - 03/2018

 Sanctions pénales 

Cette directive a été élaborée par les lobbies des multinationales et des banques d’affaires qui souhaitaient un droit plus protecteur pour leurs secrets de fabrication et leurs projets stratégiques, alors que le vol de documents et la propriété intellectuelle sont déjà encadrés par la loi. 
La France dispose de marges de manœuvre importantes pour la transposition de la directive dans notre droit national, et peut préserver les libertés tout en respectant le droit européen. Pourtant, le gouvernement et la majorité semblent avoir choisi, en catimini, de retenir une option qui remet gravement en cause l’intérêt général et le droit des citoyens à l’information.
La proposition de loi sur le secret des affaires a des implications juridiques, sociales, environnementales et sanitaires graves. De fait, ce texte pourrait verrouiller l’information à la fois sur les pratiques et les produits commercialisés par les entreprises.
La définition des « secrets d’affaires » est si vaste que n’importe quelle information interne à une entreprise peut désormais être classée dans cette catégorie 

En effet, la définition des « secrets d’affaires » est si vaste que n’importe quelle information interne à une entreprise peut désormais être classée dans cette catégorie. L’infraction au secret des affaires aurait lieu dès lors que ces informations seraient obtenues ou diffusées, et leur divulgation serait passible de sanctions pénales.

Les dérogations instituées par le texte sont trop faibles pour garantir l’exercice des libertés fondamentales. Des scandales comme celui du Mediator ou du bisphénol A, ou des affaires comme les « Panama Papers » ou « LuxLeaks » pourraient ne plus être portées à la connaissance des citoyens.
Procédure judiciaire longue et coûteuse
Qu’il s’agisse d’informations sur les pratiques fiscales des entreprises, de données d’intérêt général relatives à la santé publique ou liées à la protection de l’environnement et à la santé des consommateurs, les journalistes, les scientifiques, les syndicats, les ONG ou les lanceurs d’alertes qui s’aventureraient à rendre publiques de telles informations s’exposeraient à une procédure judiciaire longue et coûteuse, que la plupart d’entre eux seraient incapables d’assumer face aux moyens dont disposent les multinationales et les banques. C’est là le pouvoir de cette loi : devenir une arme de dissuasion massive.

Pour les téméraires qui briseront cette loi du silence, on peut toujours espérer que les tribunaux feront primer la liberté d’expression et d’informer. La récente affaire Conforama [le magazine Challenge a dû retirer un de ses articles sur les difficultés financières de l’entreprise] indique plutôt le contraire. Les soi-disant garanties proposées par le gouvernement français ne couvrent pas tous les domaines de la société civile et notamment le travail des associations environnementales.

 
Cette offensive sans précédent sur notre droit à l’information est un enjeu démocratique majeur 

 
Ces dérogations ne sont qu’un piètre hommage aux grands principes de la liberté d’informer. Elles ne vaudront pas grand-chose devant une juridiction armée d’un nouveau droit érigeant le secret des affaires en principe, et la révélation d’informations d’intérêt public en exception.
 Cette offensive sans précédent sur notre droit à l’information est un enjeu démocratique majeur qui est en train de mobiliser l’ensemble de la société civile, comme le montre le succès de la pétition dans ce sens. 
Lanceurs d’alertes, syndicats, ONG, journalistes, avocats, chercheurs et citoyens : nous nous opposerons à l’adoption en l’état de cette loi. Le droit à l’information et l’intérêt des citoyens ne sauraient être restreints au profit du secret des affaires.




mardi 27 mars 2018

#Tribune Travail Evolution ou ?

« La dictature du changement perpétuel est le nouvel instrument de soumission des salariés » Qu'en pensez-vous ??

MANAGEMENT DE L'INCERTITUDE ????? !!!



Les nouvelles méthodes de management se prétendent au service de l’épanouissement des salariés, de leur « savoir être » et de la « réalisation de soi » en entreprise. Danièle Linhart, spécialiste de l’évolution du travail et de l’emploi, démonte ces impostures et montre comment le management moderne s’inscrit dans la lignée du travail à la chaîne théorisé par Taylor et Ford pour toujours mieux asservir les salariés. Objectif : déposséder les travailleurs de leurs savoirs et de toute forme de pouvoir dans l’entreprise. « Le patronat ne veut surtout pas que la contestation massive qui s’est exprimée en 1968 ne se reproduise », explique-t-elle. 

Entretien. 
Basta ! : L’histoire du travail salarié est celle, dîtes-vous, d’une dé-professionnalisation systématique des travailleurs. Taylor a initié cette dynamique avec son « organisation scientifique du travail » au 19ème siècle qui, loin d’être neutre, visait à contrôler les ouvriers. Comment cette dé-professionnalisation a-t-elle été imposée ?

Danièle Linhart [1] : Taylor avait identifié le fait qu’au sein des entreprises, le savoir, c’est aussi le pouvoir. Sa théorie : si on laisse entièrement le savoir aux ouvriers dans les ateliers, alors les employeurs sont privés du pouvoir. Ce qui, bien entendu, serait dommageable à la profitabilité des entreprises. A l’époque, c’est à dire à la fin du 19ème siècle, lorsqu’un capitaliste décide de monter une entreprise, il possède l’argent, mais pas la connaissance ni les savoir-faire. Pour produire, il fait donc appel à des ouvriers et des compagnons qui organisent eux mêmes le travail.

 
La grande invention organisationnelle de Taylor consiste à ce que la direction puisse réunir – et s’approprier – l’ensemble des connaissances détenues par les ouvriers, les classer, en faire la synthèse, puis en tirer des règles, des process, des prescriptions, des feuilles de route. Bref, in fine, à ce que la direction puisse dire aux ouvriers en quoi consiste leur travail. Il s’agit d’un transfert des savoirs et du pouvoir, des ateliers vers l’employeur, et d’une attaque en règle visant la professionnalisation des métiers.





Quelles sont les conséquences de ce processus ?
Cette réorganisation fait émerger de nouveaux professionnels, des ingénieurs et des techniciens. Ceux-ci ont une masse de connaissances et d’informations à gérer et à organiser, afin de mettre en place des prescriptions de travail, à partir des connaissances scientifiques de l’époque. On a donc pris l’habitude de présenter le taylorisme comme une organisation « scientifique » du travail, sachant qu’à partir du moment où la science décide, ce qui en ressort est nécessairement impartial et neutre.
C’est évidemment faux : l’organisation du travail proposée par Taylor, qui était consultant au service des directions d’entreprises, est profondément idéologique. Elle a systématiquement et sciemment dépossédé les ouvriers de ce qui fonde leur force, leur identité, et leur pouvoir : le métier et ses connaissances. L’objectif est d’installer une emprise sur les ouvriers, de façon à ce qu’ils ne travaillent pas en fonction de leurs valeurs et de leurs intérêts, mais en fonction de ce qui est bon pour les profits de l’entreprise et l’enrichissement de leur employeur.

Il semble pourtant décisif pour Taylor de faire apparaître cette dépossession comme juste et honnête. Henry Ford, qui instaure le travail à la chaîne quelques années plus tard, se présente lui aussi comme un bienfaiteur de l’humanité. Quels arguments avancent-ils pour convaincre l’opinion publique ?
Taylor a toujours prétendu se situer du côté du bien commun : il affirme avoir permis une augmentation de la productivité dont toute la nation américaine a profité, alors même qu’il préconise de répartir les énormes gains de productivité obtenus grâce à son organisation du travail de manière très inégalitaire : 70 % pour l’entreprise – c’est à dire pour les actionnaires – et 30 % pour les salariés. Il dit aussi avoir « démocratisé » le travail, en l’éloignant des syndicats de métiers. Selon lui, grâce aux prescriptions définies par la hiérarchie, n’importe quel paysan pourrait désormais devenir ouvrier. Il assume totalement le fait d’avoir dépossédé les ouvriers de leur travail. Et donc, d’une partie de leur dignité.
Quelques années plus tard, Ford se présente aussi comme un bienfaiteur de l’humanité, alors qu’il propose un système technique et organisationnel encore plus contraignant. Le travail à la chaîne, c’est un pas supplémentaire vers l’asservissement. Les salariés sont non seulement tenus par des prescriptions et feuilles de route produites par la direction et sur lesquelles ils n’ont pas de prise. Ils sont désormais tenus par le rythme – infernal – imposé par la chaîne. Ford disait : « Grâce à moi, tout le monde pourra avoir sa voiture. Je participe à la cohésion sociale, et c’est un progrès formidable. »

Pourtant, chez Ford, les ouvriers étaient exploités encore plus durement qu’au sein des autres usines...
Effectivement. Le rythme y était tel qu’ils étaient très nombreux à jeter leurs outils sur la chaîne, en assurant qu’il était impossible de travailler à de telles cadences. En 1913, plus de 1300 personnes par jour doivent être remplacées ! Le taux de rotation avoisine les 380 %, ce qui est trop élevé pour assurer la production et tirer les profits escomptés. Pour fixer les ouvriers, il décide alors d’augmenter les salaires, jusqu’à ce qu’ils restent. Résultat : les paies sont multipliées par 2,5. Ce qui est énorme pour l’époque, évidemment. Ford présente cette augmentation de salaire, mise en place pour faire supporter des conditions insupportables, comme un véritable progrès social. Il fait croire à un scénario « win win », comme disent les managers aujourd’hui : tout le monde serait gagnant, l’employeur comme les salariés.

Ford pousse la logique d’exploitation plus loin que Taylor. Y compris à l’extérieur de l’atelier. Il se préoccupe d’entretenir et de reproduire « la force de travail » jusque dans la vie quotidienne des ouvriers. Quelle forme cette stratégie prend-t-elle ?
Pour tenir le coup lorsqu’ils travaillent à la chaîne, les ouvriers doivent littéralement mener une vie d’ascète. Henry Ford créé un corps d’inspecteurs chargés d’aller vérifier qu’ils se nourrissent bien, qu’ils dorment correctement, qu’ils ne se dépensent pas inutilement, qu’ils ont un appartement bien aéré... Ford, qui était végétarien, propose même des menus à ses ouvriers. Il exerce une véritable intrusion dans la vie privée, officiellement pour le bien des salariés.
On retrouve le même discours dans le management du 21ème siècle, qui prétend répondre aux aspirations les plus profondes des salariés : « Vous allez être contents de travailler chez nous. Vous verrez, nous allons vous faire grandir. » Il faut avoir du courage, être audacieux. Entretenir son corps. Dans certains bureaux, on peut désormais travailler sur ordinateur tout en marchant, grâce à des tapis roulant ! Les DRH parlent de bienveillance et de bonheur, comme Ford le faisait avec ses inspecteurs. La volonté de prise en charge de la vie des salariés perdure.

Comment se manifeste cette intrusion, dans l’entreprise du 21ème siècle ?
On leur propose par exemple des massages, de la méditation, des activités destinées à créer des relations avec leurs collègues. Certaines entreprises distribuent des bracelets pour que les salariés puissent comptabiliser leurs heures de sommeil. C’est très intrusif. L’organisation moderne du travail est un perfectionnement des méthodes de Taylor et de Ford : les directions s’occupent de tout, tandis que les salariés s’engagent totalement pour leur entreprise, avec l’esprit « libéré ».
Il s’agit toujours de faire croire aux salariés que cela est réalisé l’est pour leur bien. La logique du profit, la rationalité capitaliste deviennent l’opportunité pour les salariés de faire l’expérience de leur dimension spécifiquement humaine. D’ailleurs, les qualités qui leur sont demandées relèvent de dimensions qui vont au delà du professionnel : il s’agit de l’aptitude au bonheur, du besoin de se découvrir, de la capacité à faire confiance, à mobiliser son intuition, son sens de l’adaptation, à faire preuve de caractère, d’audace et de flexibilité…. La notion de « savoir être » est d’ailleurs devenue l’un des axes forts de la nouvelle gestion des salariés préconisée par le Medef.

La dépossession professionnelle mise en place par Taylor plonge les salariés dans un état de soumission et de dépendance hiérarchique inouï pour l’époque, dîtes-vous. Le management contemporain impose-t-il la même chose ?
Avec le taylorisme, les salariés ne peuvent plus travailler sans les préconisations de leurs supérieurs, comme les gammes opératoires, les délais alloués... On retrouve cela dans le management actuel, bien entendu, puisque le travail reste défini par les directions, assistées de cabinet de conseils qui élaborent des procédures, des protocoles, des « bonnes pratiques », des méthodologies, des process… Les salariés n’ont aucune prise sur cette définition. La dictature du changement perpétuel accentue même cette dépendance. Dans toutes les entreprises – que ce soit dans l’industrie ou dans les services – on change régulièrement les logiciels, on recompose les services et départements, on redéfinit les métiers , on organise des déménagements, on externalise, puis on ré-internalise... Ce faisant on rend les connaissances et l’expérience obsolètes. On arrive même à transformer de bons professionnels en apprentis à vie ! Les gens sont perdus.
Les salariés le disent d’ailleurs de manière très explicite : « Je ne sais plus où je suis dans l’organigramme. Je ne sais pas de qui je dépends. » Ils sont totalement déstabilisés, se sentent en permanence sur le fil du rasoir et se rabattent sur les procédures et les méthodes standard, comme sur une bouée de sauvetage. Mais ces procédures et méthodes standard ne sont définies et maîtrisées que par les directions… Les salariés se retrouvent en proie à des doutes terribles. Ils se sentent impuissants, incompétents. Ils sont obligés de mendier des aides techniques. Leur image de soi est altérée. Ils ont peur de la faute, de faire courir des risques à autrui. Ces méthodes les jettent dans une profond sentiment d’insécurité.

Face à cette exigence du changement permanent, les anciens apparaissent comme embarrassants. Vous expliquez que leur expérience est disqualifiée et leur expertise oubliée. Comment cette disqualification se met-elle en place ?
Il faut éviter, quand on est manager, d’avoir des gens capables d’opposer un autre point de vue en s’appuyant sur les connaissances issues d’un métier ou de leur expérience. Si un salarié revendique des connaissances et exige qu’on le laisse faire, c’est un cauchemar pour une direction. Or, les seniors sont les gardiens de l’expérience, ils sont la mémoire du passé. Ça ne colle pas avec l’obligation d’oublier et de changer sans cesse. Il y a donc une véritable disqualification des anciens. On véhicule l’idée qu’ils sont dépassés, et qu’il faut les remplacer.
Il s’agit en fait de déposséder les salariés de leur légitimité à contester et à vouloir peser sur leur travail, sa définition et son organisation. L’attaque contre les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) se situe dans cette même idéologie de dépossession. Ils constituaient en effet des lieux de constitution de savoirs experts opposables au savoir des directions. Les seuls savoirs experts qui doivent désormais « légitimement » exister sont ceux portés par les équipes dirigeantes où se trouvent des gens issus des grandes écoles, secondés par des cabinets de consulting internationaux.

La destruction des collectifs de travail, et le développement de l’individualisation dans la gestion des « ressources humaines », s’inscrivent-ils dans cette même ligne idéologique ?
Évidemment. C’est particulièrement vrai en France où l’individualisation systématique de la gestion des salariés a été enclenchée par le patronat au milieu des années 1970, avec toujours cette excuse officielle de la prise en compte des aspirations profondes des salariés et de leur besoin d’autonomie. Cela s’est fait en réaction aux mobilisations de 1968. Il y a eu du côté du patronat une peur très forte de la capacité de contestation massive qui s’est exprimée en 1968, sous la forme de trois semaines de grève générale avec une occupation des usines. Ce moment a été d’une violence inouï pour les chefs d’entreprise qui ne veulent surtout pas que cela se reproduise.
Depuis, tout a été mis en place pour individualiser la relation entre les entreprises et les salariés, et la relation de chacun à son travail. On a instauré des primes et des augmentations de salaire individualisées, ainsi que des entretiens individuels qui mettent le salarié seul face à son employeur pour définir des objectifs individuels – assiduité, disponibilité, qualité de la coopération avec les autres, attention aux ordres, implication, augmentation de la productivité, et j’en passe...
Il y a une mise en concurrence systématique des salariés entre eux, qui auront en retour tendance à se méfier des autres, considérés comme responsables d’une situation générale défavorable. Sans le recours possible aux autres, sans leur complicité et leur aide, voire en concurrence avec eux, les salariés auront à affronter seuls les pénibilités, la dureté de ce qui se joue au travail. Le travail n’est plus une expérience socialisatrice, il devient une expérience solitaire. L’équation « à travail égal salaire égal » est terminée. À des postes semblables, on retrouve désormais des gens qui ont des formations différentes, des statuts différents, des salaires différents. Il n’y a plus cette logique collective reliée au fait que l’on subit les mêmes conditions.

Vous ajoutez que, en mettant en avant les « aspirations » profondes des salariés, qui iraient supposément dans le même sens que les besoins de l’entreprise, on met de côté l’enjeu politique que recèle le travail. En quoi cette mise de côté, qui a commencé avec l’avènement du taylorisme, persiste-elle aujourd’hui ?
Avec son organisation « scientifique » du travail, Taylor prétendait éradiquer toute une partie de la réalité, à savoir l’existence d’intérêts divergents entre salariés et patrons, l’existence de rapports de force, et la nécessité pour les ouvriers de disposer de contre-pouvoirs afin d’échapper à la domination et de faire valoir leurs intérêts. « Mon but unique, disait-il, est d’en finir avec la lutte stérile qui oppose patron et ouvriers, d’essayer d’en faire des alliés. » On est dans la dictature du consensus.
En France, à partir des années 1980, on s’est mis à parler de consensus dans l’entreprise, avec l’idée de la « pacifier ». Il faut « créer une communauté » et que tout le monde se sente solidaire, rame dans le même sens. Il s’agit là d’une escroquerie idéologique, puisqu’il est évident que les salariés ont des intérêts à défendre, qui divergent de ceux des employeurs : la prise en compte de leur santé, la préservation de leur temps de vie privée, le fait de travailler dans des conditions qui correspondent à leurs valeurs et à leur éthique. Aujourd’hui, on tente d’effacer l’idée même du conflit. Toute idée de controverse, de contradiction, d’ambivalence est désormais disqualifiée. Il s’agit, là encore, de discréditer l’idée même de contestation et d’opposition, voire de la supprimer.
Les nouvelles méthodes de management qui se déversent dans les entreprises ne se fondent pas sur une logique innovante, mais sur une application stricte et exacerbées du taylorisme. Chacun doit faire usage de lui-même selon des prescriptions édictées par les directions. Le « Lean management » [littéralement gestion « maigre », souvent traduit par gestion « au plus juste », ndlr], qui sévit de l’hôpital aux usines, a cette ambition : faire toujours mieux avec moins en utilisant des procédures et des protocoles pensés en dehors de la réalité du travail. On demande un engagement personnel maximal, avec la menace permanente de l’évaluation, dans un contexte où la peur du chômage pèse lourd. Tout cela crée beaucoup de souffrances. Qui persistent durant la vie hors travail, entravant le repos, la détente, les loisirs, en occupant sans cesse l’esprit.

Cet « enfer », dîtes vous, est très difficile à critiquer, notamment à cause de la théorie du changement incessant, pourquoi ?
Dans le management moderne, la critique est par définition archaïque. On vous oppose le fait que vous ne comprenez pas, que tout change sans cesse. Les gens qui n’adhèrent pas sont considérés comme étant dépassés. Ou bien comme des lâches qui n’acceptent pas de se remettre en question, de prendre des risques. D’ailleurs, le modèle militaire est très inspirant pour les managers. Des hauts gradés sont régulièrement invités dans leurs colloques et formations.
Mais l’archaïsme aujourd’hui, à mon sens, réside au contraire dans le modèle de subordination du salariat. Les citoyens ont une ouverture d’esprit, des compétences et un niveau d’information qui se sont démultipliés ces dernières années. 
Pourtant, aujourd’hui comme hier, dès que vous mettez les pieds dans l’entreprise, vous devenez assujetti d’office à la direction. 
Les syndicats ne semblent pas vouloir se risquer à remettre en question ce rapport de subordination, parce qu’ils ont intériorisé l’idée que c’est lui qui oblige les employeurs à respecter les droits, les protections et les garanties arrachés au cours des luttes. 

Mais, devrait-on objecter, si les salariés ont des droits c’est parce qu’ils travaillent, et que cela présente des risques. Il y a là une déconstruction à faire : il ne s’agit pas de remettre en cause le salariat, bien au contraire, mais d’exiger des droits et protections plus forts encore tout en revendiquant la suppression du lien de subordination qui est une entrave insupportable et injustifiée, qui étouffe la qualité, l’efficacité et la créativité du travail.

Propos recueillis par Nolwenn Weiler - Source: Mars 2018 Ici

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
  • Et vous quel est votre avis ? 
Chacun se fera son idée mais on peux y trouver des éléments bien présents dans l'application managériale .

Rien n'est immuable, et nous ne ferons pas partie des accompagnants des changements imposés alors même que cela ne respecte pas les droits et acquis des salariés et surtout entends mais n'écoute jamais les propositions positives faites de notre part.

Nous ne devons pas être des accompagnants mais des solutions alternatives quand il en est du droit et de la défense des salariés.

Exemple de projet et d'évolutions ou nous ne pouvons être en accord avec le processus et le cautionner :
Que pensez-vous du TELETRAVAIL et de l'application décidé unilatéralement par notre employeur ? 
Pourquoi ne pas avoir réellement appliqué un accord viable et applicable facilement dans le respect de tous les salariés et une application par type d'emploi et pas uniquement dans le but de faire plaisirs a certains ou de rendre légal ce qui est appliqué depuis longtemps déjà mais sans cadre ? 

Nous n'avons même pas été convié aux échangent sur ce sujet , un oublie de notre employeur ou des représentants ? 
La peur que nous proposions un projet qui va dans le sens des salariés,qui demande le respect des postes, des salariés, une reversion pécuniaire pour l'utilisation des outils et autre accès Internet personnels ?
Le respect des conditions par le respect des heures applicables en définissant par exemple les conditions spécifiques de la mise en oeuvre ? 
Pourquoi faire signer un avenant au contrat de travail individuel ?
Pleins de questions sont actuellement sans réponses..

Bonne Journée a tous et toutes
Continuons a défendre et proposer d'autres solutions car OUI c'est possible !

Oui les salariés sont pour le télétravail, cependant n'oublions pas qu'il ne s'agit pas de congés mais bien de jours travaillés et donc les droits et devoir doivent bien être définit pour éviter tout débordement car le salarié est soumis à un contrat de travail même pendant le déroulement de ces journées.

lundi 26 mars 2018

#Media - Le Fil d'actu - SNCF ce qu'il faut savoir

 

Ce jeudi 22 mars, les employés de la SNCF étaient en grève. Pour défendre leur statut, comme le suggèrent certains médias ? Et si c'était en réalité la destruction de nos entreprises nationales, sur demande de l'Union européenne, qui était en train de se jouer ? Et si les projets d'Emmanuel Macron concernant la SNCF allaient tout simplement contre les intérêts des Français et de la Nation ?



 

Bon début de semaine a tous et toutes

Source: Le Fil d'actu - Mars 2018



vendredi 23 mars 2018

#Manifestation du 22 Mars - Appel du 19 AVRIL - PUBLIC PRIVE




#Conditions de Travail -Tribune

Déconnexion numérique, télétravail : la (trop) lente quête du bien-être au travail 





Par La Rédaction de courrier Cadre Vue dans Courrier Cadres
Tribune -  Philippe Tessier, marketing manager France chez Plantronics.
 

Tribune – La nouvelle quête du Graal dans le milieu de l’entreprise semble être celle du bien-être. Création de postes dédiés, tel que  "Chief happiness officer", lois diverses et variées, … de nombreuses initiatives sont nées afin d’assurer aux employés un minimum de bien-être au travail. 

Mais entre la régulation et les pratiques sur le terrain, le fossé reste colossal. 
  • Où en est-on réellement aujourd’hui ? 
  • Le Télétravail est-il une solution ?


L’ultra-disponibilité : le mal du 21e siècle
Les nouvelles technologies de communication ont permis aux collaborateurs de rester ultra-connectés et ultra-mobiles afin d’être plus réactifs aux sollicitations de leurs supérieurs, collègues et clients. Mais l’usage intensif de ces outils numériques peut avoir l’effet inverse et s’avérer contre-productif. Absorbés, obnubilés, usés, les collaborateurs ne distinguent plus la frontière entre vie privée et vie professionnelle, si bien qu’ils ne s’octroient plus de temps de repos. Résultat : l’entreprise se retrouve avec des employés épuisés, moins alertes, voire au bord de l’épuisement professionnel.

Ce constat imposait d’agir pour répondre à la demande formulée par 62 % des actifs* qui réclamaient une régulation des outils numériques professionnels.
Cependant, n’oublions pas que cette connectivité présente aussi des avantages, puisqu’elle permet le développement de différentes formes de travail plus intéressantes pour l’employé ; il s’agit alors de veiller qu’elles soient bien pensées et en adéquation avec les contraintes et desideratas personnels du collaborateur, et les impératifs de rentabilité de l’entreprise. 
Par exemple, le télétravail, ponctuel ou régulier, offre aux salariés une plus grande latitude dans l’organisation de leurs tâches professionnelles et de leur vie personnelle ou devrait en si correctement définit.

L’État à la rescousse des salariés
Parmi les lois votées en matière de bien-être au travail se trouve l’emblématique droit à la déconnexion qui fête tout juste sa première année.

Cette mesure de la loi travail El Khomri oblige les entreprises de 50 salariés et plus à “mettre en place des instruments de régulation de l’outil numérique visant à assurer le respect des temps de repos et de congés ainsi que l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et familiale” pour leurs salariés. 
Ainsi, on octroie aux employés le droit de ne pas répondre à des courriels, SMS, ou appels hors temps de travail. Par ailleurs, l’entreprise a le devoir de garantir à ses employés cette déconnexion virtuelle.
Mais, la réalité sur le terrain est tout autre. 
En effet, quelques mois après l’entrée en vigueur de cette loi, l’e-disponibilité est toujours de mise dans l’univers des cadres, population particulièrement suréquipée et ultra connectée. Ainsi, selon une étude Ifop menée durant l’été 2017, 78 % d’entre eux consultent leurs e-mails et SMS professionnels pendant leur temps libre. Il s’agit alors de s’attaquer à un tout autre niveau : l’organisation du travail.

Organiser son temps pour mieux s’épanouir
Et si la seule solution viable est de penser autrement, à contre-courant ? 
Si, au lieu d’empêcher les collaborateurs de se connecter où et quand ils le veulent, on leur laissait le choix d’organiser leur temps de travail et de disponibilité ? 

Pourquoi, en effet, ne s’en tenir qu’à de stricts horaires plus ou moins contraignants ? 
Les entreprises ont ici l’opportunité d’aller plus loin et de lancer une vraie réflexion sur les nouvelles façons de travailler.
Imaginons un père de famille pouvant quitter son bureau plus tôt afin d’aller chercher son enfant à l’école et se reconnectant le soir pour “récupérer” ce temps de travail. 
Ou encore, un salarié qui travaille de la maison une partie de la semaine pour éviter de perdre du temps dans les embouteillages ou les transports en commun, optimisant ainsi son emploi du temps, ayant alors la possibilité de profiter d’un cours de sport hebdomadaire sans s’y rendre en courant.

Chaque individu devrait pouvoir exprimer la manière dont il souhaite accomplir ses tâches, tout en se préservant des espaces de liberté, afin de s’épanouir dans sa vie personnelle, familiale et professionnelle.

Le télétravail en question
L’organisation du temps de travail nous amène également à l’une des récentes lois votées dans le cadre de la réforme du Code du travail : l’assouplissement du recours au télétravail occasionnel. 
Ainsi, les collaborateurs peuvent demander à leur employeur de travailler à domicile de manière occasionnelle et, c’est là que réside la nouveauté : ce dernier ne peut refuser que s’il prouve que l’activité professionnelle du salarié requiert sa présence au sein de l’entreprise.

Cette initiative, quoique timide, devant si appliquée correctement aller dans le bon sens.
Plus besoin de se rendre dans un lieu précis, dans un créneau horaire figé et régulier, pour effectuer son travail (sauf obligation réelle comme un rendez-vous client, bien sûr).
Mais cela passe par l’évolution de l’environnement de travail, avec une convivialité accrue au niveau collectif associée à une attitude individuelle plus collaborative. 
En effet, cette évolution assez radicale doit avoir l’assentiment de tous car elle bouleverse non seulement les habitudes du salarié en question, mais également celles de l’équipe au sein de laquelle il travaille.

Une implication de l’État, mais aussi et surtout de l’entreprise !
Le changement ne doit pas seulement incomber à l’État, mais doit avant tout émaner des entreprises. 
Même si la prise de conscience est lente, les sociétés sont de plus en plus nombreuses à s’apercevoir qu’un salarié épanoui est un collaborateur bien plus productif.

Pour être acceptées et utilisées de manière optimale, les solutions technologiques et collaboratives doivent être conjointement associées à des aménagements des espaces de travail et à une ouverture d’esprit des équipes vers la collaboration et le respect des rythmes de chacun.

À ce titre, il est intéressant de s’inspirer des études menées par Oxford Economics. 
Une d’entre elles, réalisée auprès de 600 dirigeants et 600 employés, a permis de mieux appréhender les défis qu’il fallait relever pour faire évoluer l’environnement et les attitudes au travail. Ainsi, 64 % des employés conditionnent leur productivité à la suppression de toute distraction (bruit, interruption, etc). Le bruit ambiant est pour beaucoup un facteur de déconcentration : 39 % s’isolent dans une autre salle pour y échapper, alors que 37 % écoutent de la musique ou des sons relaxants. 

Ce constat pose le problème de l’aménagement de l’espace de travail, notamment des “open space” et questionne sur les technologies à mettre en œuvre pour faciliter les tâches en limitant les nuisances.

L’éclatement des salariés et des responsabilités cadres/Non cadre même contrat ?

Ainsi, les conditions de travail dans leur globalité, au bureau et en dehors, sont également l’une des problématiques clés du bien-être au travail. 
L’organisation des lieux doit répondre de façon optimale aux différentes situations (production solitaire, réunion avec un client, dialogue au téléphone, visioconférence avec des collègues étrangers…), tout en prévoyant des espaces où les salariés pourront se détendre.
Je suis finalement persuadé d’une chose : les meilleures solutions technologiques appliquées dans les environnements de travail les plus ergonomiques ne suffisent pas. 
Pour faire évoluer l’ambiance de travail, il faut la participation et l’acceptation de tous, individuellement. 

Les nouvelles réglementations doivent permettre l’éclatement des cadres trop rigides, le renoncement aux horaires trop stricts et de laisser la liberté à chaque collaborateur de se connecter et de se déconnecter quand il le veut, dans les bureaux, chez lui ou dans les espaces dédiés au télétravail, pourvu qu’il accomplisse sa mission. 
Ce mouvement engage la communauté formée par l’entreprise qui progressera vers un meilleur équilibre entre vie professionnelle, vie personnelle et vie sociale. 
Mais, cela suppose aussi que chacun de ses membres évolue et s’engage intimement dans une démarche plus collaborative, c’est-à-dire plus ouverte aux autres.


Notre avis: 
Cela ouvre par contre une nécessité et une obligation d'écrire quels sont les tâches attendus par chaque salariés dans l'entreprise et une définition stricte et bien définit des droits obligations et attente afin de permettre une égalité de traitement en vue des responsabilités que délimites actuellement les contrats de travail et pour lesquels _il faut se battre et préserver ce respect individuel du droit à la vie de famille ou a un temps autre que celui donné a l'entreprise pour laquelle nous sommes sous contrats de travail.

 A LA CGT nous ne sommes pas contre le Télétravail ou bien une évolution bien en marche cependant nous sommes pour le respect du droit de chaque salarié suivant sa qualification et son  niveau dans l'entreprise , et ceci doit avoir un impact réellement traité différemment quelque soit le type d'accord , permettant a chacun de s'épanouir et de vivre de son travail correctement.

Un contrat permettant de cadrer l'attente les obligations et définir les tâches , les attentes, la mise a disposition des personnels ou non de l'entreprise et même le réglement des heures supplémentaires le cas échéant ! 

Le TELETRAVAIL ou bien ce que l'on appel le DIGITAL étant non pas un but mais des outils applicables et utilisables pour chaque entreprise; qui doivent être très finement encadrés pour éviter les abus possible.
  
Nous défendons ce droit fondamentale et continuerons a le faire pour le bénéfice de chaque individus cadre ou non qui ont individuellement et collectivement leurs place dans l'entreprise.

A suivre - Bonne Journée

* Source : Ministère du travail

jeudi 22 mars 2018

#Charge de Travail - Un constat amère..

Sondage: pour 62% des salariés , la charge de travail a augmenté


Source: CGT.FR  - Mardi 20 mars 2018 
Alors que s’ouvre le 18e congrès de l’Ugict-CGT (CGT des ingénieurs, cadres et techniciens), organisé du 20 au 23 mars à Perpignan, un sondage réalisé par Viavoice souligne le divorce des cadres avec leurs directions. L’Ugict-CGT appelle le patronat et le gouvernement à prendre toute la mesure de la situation, notamment dans la négociation sur l’encadrement ouverte en décembre 2017 et bloquée par le MEDEF.



 
Le fossé se creuse.. 

C’est ce qui ressort d’un sondage réalisé par Viavoice et qui témoigne d’une dégradation de la situation par rapport au précédent baromètre Ugict.
En l’espèce, une majorité d’entre eux (62%) considèrent que leur charge de travail a augmenté tandis que 46% déclarent travailler plus de 45 heures hebdomadaires. Ce temps de travail entre en décalage avec leurs rémunérations comme 59% d’entre eux le pensent, notamment chez les cadres de la fonction publique (70%).
Par ailleurs, les cadres souhaitent de nouveaux droits associés à leur statut, plébiscitant le droit de refus, d’alerte et d’alternative (90%), le droit effectif à la déconnexion (89%) et pour une égalité professionnelle femmes/hommes en matière de déroulement de carrière et de rémunération (94%).

Ainsi, l’Ugict-CGT appelle le patronat et le gouvernement à prendre toute la mesure de la situation et à y apporter enfin les réponses qui s’imposent, notamment dans la négociation sur l’encadrement ouverte en décembre 2017 et bloquée par le Medef.

Pour plus d’informations, l’Ugict a mis en ligne un site dédié qui contient des décryptages, des vidéos explicatives, ainsi qu’une série de propositions et d’outils militants.

A suivre mais quelle impact sur l'ensemble des salariés  ? 
A tous les niveaux les difficultés sont présentent d'autant si les postes d'encadrement sont touchés et acceptent d'annoncer ces difficultés que croyez-vous qu"il se passe sur les postes non cadre ?
Nous connaissons tous la réponse. Devons-nous laisser cet élément être une normalité ?


 

#Droit du Travail - Chronique des Prudhommes

Chronique des Prud'hommes: Il demande un rappel de salaire, il est licencié pour faute lourde 




Christophe a été licencié pour faute lourde car il aurait menacé son employeur. Aux prud'hommes, le salarié indique avoir juste réclamé un rappel de salaire.

Les conflits qui animent les prud'hommes reflètent quotidiennement notre histoire sociale. L'audience en bureau de jugement est publique.Une journaliste de L'Express assiste aux débats:


Chronique Media: par l'Express l'Entreprise

Paris, conseil des prud'hommes, section encadrement, le 20 décembre 2017 à 15h50  
Le président est entouré d'une conseillère et de deux conseillers. Deux avocats sont face à eux, dos à la salle. 

Le président: "Vous nous rappelez les chefs de demandes et le quantum?" 

L'avocat de Christophe: "Je réclame un rappel de salaire de 76 084, 25 euros à titre principal et 33 348,55 euros à titre subsidiaire. Je réclame également 16 365, 30 euros d'indemnité de préavis de licenciement, 15 574,81 euros d'indemnité de licenciement et 145 880 euros d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse. A titre subsidiaire, 10 050 euros de préavis, 9 538 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement, 60 300 euros d'indemnité sans cause réelle et sérieuse et 3 000 euros d'article 700. "  
Le président: "Les conditions de la rupture?" 

L'avocat de Christophe: "Mon client a été embauché le 2 janvier 2008 par un ami de 20 ans avec un salaire de 3 100 euros qui passe ensuite à 3 350 euros. Il fait l'intégralité des formations dans cette société. Le salaire est faible, mais la marge nette devait être partagée et quand on est amis, on ne fait pas d'écrit. En 2015 pourtant, mon client demande sa part. Son ami PDG lui dit: "je sais que je te dois des sous". À partir de là, tout va dégénérer. En effet, peu de temps après son ami lui dit: "je te dois ton salaire, un point c'est tout". Mon client le menace de lancer une procédure, il lui rétorque: "extorsion de fonds et chantage"." 
L'avocat de l'employeur: "Cette histoire, "ils furent amis ", est un grand classique. Le salarié avait une rémunération importante dans une autre vie, mais un beau jour, en 2008, il dit à son ami dirigeant: "j'ai besoin de moins d'argent mais de plus de temps". Il veut vivre, lui explique-t-il. Son ami chef d'entreprise lui fait faire ce qu'il sait faire: de la formation. Pendant 8 ans, il ne va pas se plaindre. Cela se passe bien et, en face, on me dit qu'il est sous-payé. Moins de temps de travail égale plus de sérénité. C'est ce qu'il voulait? Il l'a. Le contrat de travail est mal ficelé, je vous l'accorde. Aucune référence à la convention collective, ni au coefficient. Péché véniel. Mais les amitiés de 20 ans sont celles que l'on trahit avec le plus de bonheur, je suis d'accord. Ce n'est toutefois pas le problème."  

Le président fait la moue: "Faute lourde... Il y en a quand même un!" 

L'avocat de Christophe: "Peu après ses différentes réclamations en mars 2016, mon client a un accident de moto. Il reprend le travail de chez lui. Il est en télétravail depuis 8 ans, mais son employeur lui demande de venir avec ses béquilles chercher les instructions au bureau de domiciliation de l'entreprise. Cela n'a aucun sens. On lui reproche de ne pas s'être présenté, on lui tient rigueur de la revalorisation demandée et on le convoque à un entretien préalable pour faute lourde le 6 juillet. La lettre fait 6 pages, vous trouverez 13 motifs, c'est totalement hallucinant." 
L'avocat de l'employeur: "Je conçois que ce soit un jeu imbécile d'obliger un salarié à venir chercher des instructions en béquilles...."  

L'avocat de Christophe: "Il avait une activité totalement autonome, il faisait tout sur le plan des formations, je vous renvoie sur les coefficients par rapport à ses responsabilités." 
L'avocat de l'employeur: "Il est autonome, et puis? Il n'y a qu'un seul salarié dans la structure: lui. Aucune équipe à diriger. Sur la prospection commerciale, il n'y a pas grand-chose à faire et quand il ne peut pas assurer la formation, il doit vérifier si un autre formateur est disponible. Simplissime. Il n'a rien de plus à gérer."  

Le président: "Sur les autres griefs de la lettre?" 

L'avocat de Christophe: "On lui reproche de la mauvaise volonté, un niveau de productivité inacceptable. Sur un rapport qui lui est demandé, on montre quatre versions différentes. Et alors? Le travail a été fait. Le rapport a été écrit et corrigé quatre fois. Je ne comprends toujours pas la faute lourde." 
L'avocat de l'employeur: "Et le mail d'extorsion? Il demande de l'argent ou menace son employeur de dénonciation fiscale, de procès, etc. Quand on passe de la menace à la réalisation de la menace, cela pose un problème. C'est une logique d'opposition frontale: le constat des menaces caractérisées implique la faute lourde." 

L'avocat de Christophe: "L'employeur reconnaît lui-même par mail: "je te dois des sous." 


L'avocat de l'employeur: "Regardez la chronologie. C'est lié à l'accident de moto. L'employeur écrit ce mot pour rassurer le salarié sur le paiement de son salaire complet, pour qu'il n'ait pas que des indemnités journalières pour vivre." 

16h15 Le président: "Les débats sont clos. Prononcé le 25 janvier." 

 Verdict: L'employeur est condamné à payer à Christophe 10 050 euros de préavis, 9 538 euros d'indemnité de licenciement, 20 110 euros d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et 700 euros d'article 700. 

Le conseil n'a pas suivi l'employeur sur la faute lourde ni même sur le licenciement justifié. 
Il n'a pas non plus suivi le salarié sur sa demande principale: un rappel de salaire (assis sur le partage de la marge dégagée par l'entreprise).  


Extorsion de fonds: ce que dit la loi
Selon le dictionnaire Larousse, l'extorsion est "une infraction consistant à obtenir la remise de fonds, d'un bien quelconque, ou une signature, un engagement, une renonciation ou la révélation d'un secret au moyen de violences, menace ou contraintes". L'article 312-1 du code pénal ajoute que "l'extorsion est punie de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende". 

L'employeur de Christophe n'a toutefois pas été au pénal et même s'il met en avant la menace du salarié de révéler à l'administration fiscale quelque secret peut-être compromettant, le grief de faute lourde paraît très largement exagéré. 

Pour la cour de cassation en effet, la faute lourde est celle qui est commise par le salarié avec l'intention de nuire à l'employeur. Encore faut-il pouvoir caractériser cette intention de nuire.
Ainsi, un chef-comptable qui avait "sciemment profité de ses fonctions au détriment de son employeur, en utilisant à des fins personnelles des fonds appartenant à l'entreprise pour régler les frais d'un voyage touristique réalisé avec son épouse", n'est pas coupable de faute lourde selon la Cour de cassation (18 novembre 2003, pourvoi 01-44102)". 
 
Par Claire Padych, publié le