vendredi 12 avril 2019

# Dossier du vendredi - Professions en déclassement ? -

Décryptages:

L'Ugict-CGT rend public son baromètre annuel construit en partenariat avec le cabinet d'expertise Sécafi sur la situation et les aspirations des professions technicien-nes et intermédiaires. 
Ce sondage réalisé par Viavoice vient éclairer la mobilisation sociale actuelle.


 Alors qu’elles ont un positionnement central dans les organisations du travail, les professions intermédiaires sont souvent enfermées dans le « ni cadre, ni ouvriers » et privées de reconnaissance. 
La colère salariale et la peur du déclassement en sont l’illustration. 83 % des professions intermédiaires interrogées estiment que les mesures annoncées par le gouvernement ne vont pas améliorer leur pouvoir d’achat. 
 Alors que le pouvoir d’achat a été dégradé par la CSG, seuls 36 % des technicien·ne·s et professions intermédiaires estiment être reconnu·e·s dans leur travail. 

Un mécontentement salarial qui monte, pas de perspective de carrière 
67 % des technicien·ne·s et professions intermédiaires considèrent que leur rémunération est en décalage avec leur implication. Cette colère, en augmentation par rapport aux années précédentes, est nettement plus marquée dans la fonction publique, où l’austérité salariale est largement dénoncée : 79 % des fonctionnaires de catégorie B considèrent que leur rémunération est en décalage avec leur implication. 

Un temps de travail qui explose

58 % des technicien·ne·s et professions intermédiaires estiment que leur charge de travail a augmenté. Ils sont 62 % à déclarer travailler plus de 40 h hebdomadaires et 24 % plus de 45 h par semaine. 54 % effectuent des heures supplémentaires, et pour 34 % de celles et ceux qui en réalisent, elles ne sont ni payées ni récupérées. Ces chiffres illustrent l’augmentation du travail au noir, avec des heures de travail ni déclarées ni reconnues.  
Un management qui empêche de bien travailler
44 % des technicien·ne·s et professions intermédiaires considèrent ne pas pouvoir effectuer un travail de qualité. Ce vécu est majoritaire dans le public, avec 50 % de fonctionnaires catégorie B qui disent être dans cette situation. Pour 48 % des technicien·ne·s et professions intermédiaires - et 63 % dans la fonction publique ! - les pratiques managériales se sont détériorées. 
L’évaluation individuelle est très critiquée : pour 67 % des sondé·e·s elle est fondée sur de mauvais critères. 68 % des technicien·ne·s et professions intermédiaires estiment que régulièrement les choix et pratiques de leur entreprise ou administration entrent en contradiction avec leur éthique professionnelle. 

Ce sondage démontre les conséquences de l’austérité salariale et du Wall Street management, le management par les coûts, qui soumet l’entreprise et le travail aux seuls objectifs d’augmentation de la valeur actionnariale. L’Ugict-CGT appelle le patronat et le gouvernement à reconnaître le travail et les qualifications et à augmenter les salaires. Plutôt que d’importer des méthodes de management toxiques du privé, la réforme de la fonction publique doit permettre enfin aux agent·e·s d’avoir les moyens de remplir leurs missions d’intérêt général et de retrouver le sens de leur travail. 


Annonces du gouvernement en matière de pouvoir d'achat : des réponses jugées inadaptées
Alors qu’elles ont un positionnement central dans les organisations du travail, les professions intermédiaires sont souvent enfermées dans le « ni cadre, ni ouvriers » et privées de reconnaissance. 
La colère salariale et la peur du déclassement en sont l’illustration. 83 % des professions intermédiaires interrogées estiment que les mesures annoncées par le gouvernement ne vont pas améliorer leur pouvoir d’achat.

Les professions techniciennes et intermédiaires souffrent d’un important manque de reconnaissance professionnelle. Parmi les sondé·e·s, plus d’une personne sur deux ne s’estime pas reconnue dans son travail (51 %). 
 D’une manière générale, le sentiment « d’être reconnu·e dans son travail » reste très bas à 36 %.
Leur niveau d’implication dans le travail et la hausse de leur charge de travail en conduit 54 % à effectuer des heures supplémentaires. Cela ne se traduit pas pour autant par une meilleure reconnaissance des qualifications, ni par une revalorisation salariale.

Un mécontentement salarial

Les sondé·e·s expriment une insatisfaction très forte sur plusieurs déterminants de leur vie au travail qui quantifient la reconnaissance professionnelle :
  •  l’insatisfaction sur le niveau de rémunération est très largement majoritaire au regard du temps de travail réel (55 %), des responsabilités exercées (60 %), de la qualification détenue (56 %). Cette insatisfaction atteint des sommets par rapport à la charge de travail (65 %) et au degré d’implication (67 %).
  • l’accès à la formation professionnelle correspond aux besoins professionnels dans seulement 52 % des cas.

    Ainsi, 54 % du privé des salarié·e·s considèrent que leur niveau de rémunération n’est pas en adéquation avec leur niveau de responsabilité. 
L’écart est aussi important pour chacun des autres critères :
  • niveau de qualification (70.5 % Fonction publique vs 48,6 % secteur privé)
  •  temps de travail réel (67.9 % vs 49.1 %)
  • charge de travail (75.9 % vs 60.1 %)
  •  implication (78.7 % vs 62.5 %)
Lorsque la reconnaissance intervient elle se manifeste le plus souvent sous forme de reconnaissance sociale (68 %). 
Viennent ensuite la reconnaissance par évolution professionnelle (34 %), puis par le salaire (33 %). 
La reconnaissance sociale, qui est la forme la plus utilisée, l’est surtout pour les femmes par rapport aux hommes  (67.4 % vs 68.2 %).

Un temps de travail qui fait exploser les compteurs légaux.

À l’instabilité des organisations de travail et des situations individuelles, s’ajoute un contexte de charge de travail importante conjuguée à l’usage des outils numériques qui provoquent une augmentation de l’intensité du travail et prolonge le lien de subordination hors travail en effaçant les frontières spatio-temporelles.

Les professions techniciennes et intermédiaires déclarent travailler plus de 40 heures par semaine pour 62 % d’entre elles, et plus de 45 heures hebdomadaires pour 24 % d’entre elles.
Cette évolution va à l’encontre des aspirations exprimées par ces salarié·e·s à plus d’équilibre entre leur vie privée et professionnelle, et à une meilleure qualité de vie au travail. 
Il est nécessaire de réinterroger les organisations du travail, le mode de management (délai de plus en plus court, objectifs de plus en plus déconnectés de la réalité…), la charge de travail et son évaluation, notamment au regard des moyens dont on dispose pour exercer son activité professionnelle. 

Banalisation des heures supplémentaires et du travail gratuit

Les heures supplémentaires sont banalisées au point d’être structurellement nécessaires pour assurer l’activité professionnelle normale, même en période de baisse d’activité économique. 
Cette réalité est désormais partagée par 54 % des sondé·e·s. Les jeunes (< 30 ans) sont ceux qui sont le plus concernés (61.5 %), ainsi que la tranche 30 – 39 ans (58.7 %). 
 Ces heures supplémentaires sont payées dans 31 % des cas et récupérées dans 35 % des cas. Pour 34 % des sondé·e·s, il n’y a ni paiement ni récupération de ces heures supplémentaires effectuées.

 À noter les différences importantes entre les femmes et les hommes entre la préférence pour le paiement des heures supplémentaires (24.7 % vs 38.8 %) ou leur récupération (40.1 % vs 29.4 %), liée au fait que les femmes assurent toujours l’essentiel des tâches ménagères et que leur temps de travail est plus contraint.
 



Intensification et dégradation du travail

L’augmentation de la charge de travail et des heures supplémentaires dans un contexte d’accroissement des responsabilités caractérisent la vie au travail des sondé·e·s. 

L’augmentation de la charge de travail est une réalité largement partagée dans les professions techniciennes et intermédiaires, à hauteur de 58 %, quels que soient le secteur professionnel et la taille de l’entreprise. 

 L'urgence du droit à la déconnexion

Le cadre d’exercice professionnel est marqué par une charge de travail en forte croissance avec des heures supplémentaires structurelles pour assurer le fonctionnement des services. Dans ce contexte, l’usage actuel des TIC participe à l’intensification du travail pour 53,1 % dans le privé concernant les professions salariales de technicien-nes et "intermédiaires".

Débordement de la vie professionnelle sur la vie privée

Sans surprise le débordement de la vie professionnelle sur la vie privée est une réalité pour 1 sondé·e sur 2 (44 % vs 48 %). Dans le même temps, 1 sondé·e sur 2 (43 % vs 45 %) estime que l’usage des nouvelles technologies permet plus de facilité dans le travail. 
Si les femmes et les hommes affichent sensiblement la même perception de débordement de la vie professionnelle sur la vie privée (44.6 % vs 43.6 %), elles considèrent  davantage que l’usage des TIC facilite le travail (47.8 % vs 38 %).


Un lien de subordination étendu

Avec l’usage actuel des nouvelles technologies, les professions techniciennes et intermédiaires sont contraintes à une importante disponibilité et à une réactivité permanente afin de répondre aux multiples sollicitations liées aux difficultés à pouvoir accomplir ses tâches dans un contexte d’intensification du travail, de dispersion  et de fragmentation de l’activité. Cela montre que l’usage des TIC aurait tendance à pallier les déficits organisationnels. 

64 % des professions techniciennes et intermédiaires souhaitent disposer d’un droit à la déconnexion effectif 

Cette aspiration est aujourd’hui largement majoritaire quel que soit la taille de l’entreprise et le secteur d’activité.
Après l’entrée en vigueur de la loi qui a introduit cette obligation de négociation, force est de constater dans les faits l’insuffisance. En effet, pour satisfaire l’obligation légale, il suffit pour l’employeur de mettre en place une charte unilatérale. 
Après avoir été la première organisation syndicale à tirer la sonnette d’alarme sur le travail numérique en dehors du temps et du lieu de travail des salarié.e.s. 

La CGT va poursuivre sa bataille pour la réduction du temps de travail et la conquête de nouveaux droits à l’heure de la transformation numérique avec sa campagne « Construire le numérique autrement », et notamment avec le guide « Droit à la déconnexion ».

L'éthique professionnelle est mise à mal

68 % des professions technicien-nes et intermédiaires confrontées à des problèmes d’éthique professionnelle

En situation de travail, l’éthique professionnelle entre en contradiction avec les choix et pratiques réelles dans 68 % des cas : souvent (19 %), de temps en temps (49 %). 
Être confronté à une telle situation est une source de mal être certain pour les salarié·e·s. Conjugué à l’exposition à d’autres facteurs défavorables à l’exercice normal de sa profession, comme la surcharge de travail, le manque de reconnaissance, ou de soutien cela peut conduire à la perte de repères et à l’épuisement professionnel.
Ce résultat témoigne de l’attachement des salariés à vouloir travailler en respectant les règles et l’éthique professionnelle, même dans un contexte défavorable. 



Pour un droit d’alerte, de refus et d’alternative 

57 % des professions technicien-nes et intermédiaires souhaitent disposer d’un droit d’alerte dans le cadre de l’exercice de leurs responsabilités, afin de pouvoir refuser de mettre en œuvre des directives contraires à leur éthique.
   
Pour l’Ugict-CGT, il est urgent de donner un statut protecteur à tout salarié rapportant des faits contraire à l’éthique ou à la déontologie professionnelle. 
L’exemple significatif des lanceurs d’alertes montre jusqu’où peuvent aller les atteintes à l’intérêt général et la vulnérabilité de ses salariés qui s’exposent pour faire prévaloir l’éthique et l’intérêt général. 
L’Ugict-CGT va porter cette proposition dans le cadre de la négociation sur le statut de l’encadrement .

 Management et mal travail 

Un travail qui perd son sens
Dans ce contexte de travail instable et tendu, 44 % des sondé·e·s estiment ne pas pouvoir faire un travail de qualité.

Des pratiques managériales qui se dégradent 

La dégradation des conditions d’exercice professionnel s’accompagne de pratiques managériales qui sont contestées.
48 % des sondé·e·s estiment que les pratiques managériales se sont dégradées au cours de l’année, seulement 14 % voient une amélioration et 38 % pas de changement. 

 L’évaluation individuelle est largement discréditée car jugée :
  • Pas fondée sur de bons critères par 67 % des sondé·e·s.
  • Pas transparente par 60 % des sondé·e·s.
  • Ne reconnaissant pas le travail par 68 % des sondé·e·s.
C’est à l’approche de la 2ème partie de carrière (40 ans) que le ressentiment est le plus fort sur les critères de l’évaluation (supérieur à 73 %). Cela montre que le système de gestion des personnels de ces catégories peine à apporter des solutions pour valoriser l’expérience professionnelle et les qualifications acquises.
Le déficit de reconnaissance et le manque de perspective d’évolution professionnelle renforcement la vision critique de cette appréciation des professions techniciennes et intermédiaires sur les pratiques managériales en vigueur dans les entreprises publiques et privées.

Défendre ses droits

Compter d’abord sur soi-même
Majoritairement, à hauteur de 53 %, les professions technicien-nes et intermédiaires sont d’abord sur une approche individuelle pour défendre leurs droits et leur emploi. 
Les syndicats arrivent en 2ème position (25 %), devant les avocats (11 %), la direction (7 %), les pouvoirs publics (3 %) et les partis politiques (1 %).
L’analyse par taille d’entreprise montre que le défaut d’implantation syndicale favorise l’approche individuelle. 
Ainsi, dans les petites entreprises de moins de 50 salarié·e·s les professions techniciennes et  intermédiaires  déclarent  d’abord compter  sur  eux-mêmes (64.1 %), les syndicats viennent en deuxième position (12.2 %). Ils placent les directions et les avocats quasiment au même niveau (8.6 % vs 9.7 %) pour se défendre. 
Le déterminant de la présence syndicale se retrouve également en comparant les résultats entre la Fonction publique et le secteur privé, pour la confiance accordée aux syndicats pour défendre les droits et l’emploi. 
Dans la Fonction publique où les syndicats sont plus présents, les syndicats malgré cela arrivent (36.8 %) après l’approche individuelle (44.3 %).





Bonne fin de semaine mais voici quelques chiffres et résultats qui nous en sommes ne vous laisserons pas indifférents ! 


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