PARIS (Reuters) - Les secrétaires généraux de la CGT et
de Force ouvrière (FO) ont estimé mardi que l'accord conclu par les
ministres du Travail de l'Union européenne sur le statut des
travailleurs détachés allait dans le bon sens mais ne réglait pas le
problème.
L'opposition de gauche et d'extrême droite a quant à
elle fustigé ce qu'elle présente comme un recul pour l'Europe sociale,
estimant qu'il s'agissait de poudre aux yeux.
La majorité des
ministres réunis lundi à Luxembourg ont approuvé le compromis mis sur la
table par la présidence estonienne de l'UE, reprenant la proposition
française de limiter à 12 mois la durée maximale du détachement mais
avec dérogation possible pour six mois supplémentaires.
L'accord
prévoit le maintien du paiement des cotisations sociales dans le pays
d'origine mais garantit aux salariés détachés une égalité de
rémunération, primes comprises, dans le respect des conventions
collectives, avec leurs collègues du pays d'accueil. Seul le salaire
minimum de ce dernier leur était jusqu'alors garanti par la directive de
1996.
"C'est moins pire qu'avant", a dit le numéro un de la CGT,
Philippe Martinez, à l'issue d'une rencontre avec la ministre du
Travail, Muriel Pénicaud, sur les réformes à venir sur la formation
professionnelle et l'apprentissage. "On a enfin reconnu qu'à travail
égal, il fallait un salaire égal."
"Mais on n'a pas réglé le problème des cotisations" ni celui des transports routiers, a-t-il ajouté.
Ces
derniers sont cités dans le compromis final mais continueront à relever
de la directive de 1996 jusqu'à l'adoption d'un texte spécifique, en
cours de négociation.
ROUTIERS FRANÇAIS EN COLÈRE
Pour Philippe Martinez, "on ne réglera pas le problème (...) tant qu'il n'y aura pas une harmonisation un peu plus précise".
Selon
lui, il faut s'assurer que les travailleurs aient "les mêmes droits",
le "même salaire" à qualification égale, les mêmes primes et surtout les
mêmes cotisations sociales.
"Nous, on a rien contre la libre
circulation des salariés. Mais si c'est pour organiser le dumping
social, ça ne sert à rien", a-t-il ajouté.
Même discours du côté
de FO. "C'est un accord (...) qui va dans le bon sens sur tout ce qui
est rémunération", a dit Jean-Claude Mailly à la presse après sa
rencontre avec la ministre du Travail. Mais le numéro un de FO réclame
davantage de cohésion sociale au sein même de l'Union européenne.
"On
est favorable aussi à ce qu'il y ait un véritable dialogue social au
niveau de la zone euro entre Commission européenne, gouvernements,
syndicats et patronat", a-t-il dit.
Les ministres sont convenus
d'une période de transition de quatre ans pour l'entrée en vigueur du
texte après son adoption définitive, attendue d'ici la fin de l'année.
Délai relativement long demandé par les pays d'Europe de l'Est,
principaux bénéficiaires des dispositions actuelles.
L'Organisation
des transporteurs routiers européens (OTRE) a pour sa part dénoncé dans
un communiqué un "demi-accord qui plombe une fois de plus une
activité".
"Pourquoi le transport routier est, une fois de plus,
la variable d'ajustement ? Comment faire admettre aux transporteurs
français que l'Europe est un progrès si elle donne des gages à ceux qui
veulent les détruire ?" demande cette organisation.
L'OTRE juge
les intérêts du transport routier français et des salariés sacrifiés aux
intérêts des pays d'Europe centrale et de l'Espagne et juge la position
du gouvernement français fragilisée pour les négociations à venir.
UN TROMPE-L'OEIL POUR LA FRANCE INSOUMISE
Dans
le monde politique, l'opposition a critiqué dans un communiqué
l'accord, qualifié par les eurodéputés socialistes français de "poudre
de perlimpinpin" et de "défaite totale de la France dans cette
négociation du fait des erreurs stratégiques du président de la
République française", dans un communiqué.
Jean-Luc Mélenchon a estimé que le texte était un "cruel trompe-l'oeil".
"Le
gouvernement pavoise pour tromper l'opinion sur un nouveau recul de
l'Europe sociale", a déploré le président du groupe La France insoumise à
l'Assemblée, dans un communiqué.
Marine Le Pen, qui continue de
demander "l'abrogation pure et simple de cette directive", s'est
insurgée dans un communiqué contre un "accord parfaitement cosmétique
(qui) relève une fois de plus de l'opération de communication".
Pour
la ministre du Travail, qui estime que cet accord est une victoire
"formidable" dans laquelle la "France a eu un rôle majeur", "le
transport fait bien partie de la directive".
"En revanche, il y a
des modalités d'application qui doivent être définies", a ajouté Muriel
Pénicaud, mardi. "Lorsque c'est un chauffeur qui traverse un pays, ce
n'est pas la même chose qu'un chantier qui a lieu dans un pays pendant
plusieurs mois".
Selon elle, les "modalités de contrôle ou
d'exercice du travail détaché" dans ce cas précis sont bien
"spécifiques" et doivent être discutées entre les ministres des
Transports au niveau européen.
En 2015, 2,05 millions de travailleurs détachés étaient recensés dans l'UE, en augmentation de 41,3% par rapport à 2010.