A savoir: #Dossier - les 28 heures en Allemagne - Oui mais au choix du salarié et sur une durée limitée dans le temps
En Allemagne la question de la réduction du temps de travail est au
centre du dialogue social avec une proposition choc : la semaine de 28
heures. À ne pas confondre avec les 35 heures à la française.
Alors qu’en France chaque nouvelle loi sur le travail détricote un peu plus les 35 heures, en Allemagne, il est question d’aller vers la semaine des 28 heures. Le syndicat IG Metall,
le plus puissant du pays, en a fait l’une de ses deux revendications
dans le conflit qui l’oppose depuis quelques semaines au patronat du
secteur de l’industrie.
À partir du mercredi 31 janvier,
près de 250 entreprises allemandes du secteur de l’industrie
métallurgique et électronique menacent, sous la pression des grévistes,
de fermer pendant 24 heures. Un mouvement social qui peut avoir des
répercussions en cascade – retard de livraison, baisse de production –
surtout pour la sacro-sainte industrie automobile.
IG Metall exige une revalorisation salariale de 6 %, et la
semaine de 28 heures, payée 28 heures pendant deux ans (puis un retour
aux 35 ou 36 heures). Une revendication qui surfe sur l’air du temps
allemand : “De plus en plus d’Allemands veulent avoir davantage de
contrôle sur leur emploi du temps, alors qu’ils ont l’impression, dans
une société où tout va plus vite, de ne plus avoir le temps pour rien”,
explique Jutta Rump, économiste et directrice de l’Institut pour
l’employabilité de Ludwigshafen.
Mais les employeurs ne
sont pas d’accord. Ils sont prêts à trouver un compromis sur les hausses
de salaires, mais pas question “de parler de baisse du temps de
travail, car avec le boom actuel de la production industrielle en
Allemagne, le secteur a déjà du mal à embaucher et il n’est pas question
pour les entreprises que leurs salariés travaillent moins”, explique
l’économiste.
Rien à voir avec les 35 heures à la française
Cette
proposition d’aménagement du temps de travail représente donc la
principale pomme de discorde dans le paysage socio-économique allemand
actuel. Un débat qui doit donner des sueurs froides au patronat français
et des rêves de RTT en plus à nombre de salariés tricolores. Mais
attention : la semaine de 28 heures proposée par IG Metall n’a pas
grand-chose à voir avec les 35 heures à la française.
D’abord,
il s’agit d’une négociation de branche, la mesure ne bénéficierait
qu’aux travailleurs de l’industrie métallurgique et électronique qui compte près de quatre millions de salariés.
Même si “historiquement, les négociations menées par IG Metall
aboutissent à des compromis qui sont par la suite appliqués dans les
autres branches”, souligne Jutta Rump.
Passer aux 28
heures relèverait, ensuite, d’un choix individuel et non pas collectif.
De quoi faire froncer les sourcils outre-Rhin où les aménagements du
temps de travail individuel ressemblent davantage à du travail ou du
chômage partiel subi qu’à une avancée sociale.
“La France
a connu une expérience de réduction de temps de travail individuel dans
les années 1980 avec l’encouragement à recourir au temps partiel, qui a
abouti, la décennie suivante à la prise de conscience de l’existence
des travailleurs pauvres”, rappelle Anne Eydoux, économiste et
spécialiste des questions d’emplois au Centre national des Arts et
Métiers. Pour elle, cette expérience a contribué à pousser les pouvoirs
publics à opter ensuite pour une mesure collective de réduction du temps
de travail avec la loi Aubry.
Problème de riches
Le
principal syndicat allemand de travailleurs pousserait-il pour une
mesure antisociale ? Pas du tout, rétorque Jutta Rump. Le choix de
passer à la semaine de 28 heures ne peut venir que du salarié.
L’employeur ne peut, en aucun cas l’imposer ou proposer des emplois à
temps réduit. Il n’y aurait donc pas de risque d’augmenter la précarité
en Allemagne.
En fait, la principale différence entre la
revendication du syndicat allemand et les 35 heures à la française
réside dans la finalité des deux mesures.
En France, le débat autour du
temps de travail revient toujours à se demander s’il réduit ou non le
chômage, alors qu’en Allemagne, la semaine des 28 heures vise
principalement à permettre aux salariés d’avoir un meilleur équilibre
entre métro-boulot-vie perso.
Jutta Rump reconnaît que
le conflit autour de la semaine de 28 heures est un problème de riche.
“Nous en parlons parce que notre économie est en plein boom et qu’on
peut se le permettre”, assure-t-elle.
Mais après le beau
temps économique, la pluie finira bien par tomber sur l’Allemagne. “La
prochaine crise économique risque de révéler la face obscure de la
semaine de 28 heures, si elle devient réalité”, prévient Jutta Rump.
Pour cette économiste, le danger se résume en un mot : robots.
Confrontées à un manque de main d’œuvre sur le marché du travail pour
cause de forte croissance économique, les entreprises qui devront
composer avec la réduction du temps de travail – en cas de victoire d’IG
Metall – chercheront à automatiser des tâches. À force
d’investissement, elles y parviendront. Et lorsque le vent économique
aura tourné, des robots auront pris les places que les chômeurs
aimeraient bien occuper.
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