Analyse du Mérite :
Nous avons besoin du concept de mérite pour définir les inégalités 
« justes ». Une notion à manier avec beaucoup de précautions tant elle 
est difficile à définir et mesurer. L’analyse de Louis Maurin, directeur
 de l’Observatoire des inégalités.
En attendant l’abondance pour tous (ou un autre principe 
d’organisation de la société), nos sociétés admettent qu’il est 
« juste » de partager la richesse en fonction de quelque chose qui 
ressemble à l’effort personnel. Sinon, personne ne voudrait faire 
d’efforts pour récolter sa part et il n’y aurait plus de production de 
richesses, donc plus rien à partager. On connaît ce raisonnement plein 
de bon sens, souvent mis en avant par ceux qui veulent moins de 
redistribution.
L’inégalité peut être « juste » si elle correspond aux mérites individuels. « L’égalité
 arithmétique va à l’encontre de l’idée même de justice, dès lors que la
 diversité humaine est prise en compte : non pas seulement en termes 
d’effort, mais également de besoins, de désirs ou de handicaps », rappelle justement l’économiste Arnaud Lechevalier [1].
 Un élève comprend facilement l’injustice qu’il y aurait à déterminer sa
 note à l’aide d’un dé, ou en jetant les copies dans un escalier et en 
les notant en fonction de la marche sur laquelle elles sont tombées. Une
 partie du débat sur l’entrée dans l’enseignement supérieur porte sur le
 mérite. Doit-on à déterminer l’avenir des futurs étudiants de certaines
 filières de l’université par tirage au sort ? Cela nous semble 
difficilement acceptable.
Pourtant, il faut être prudent dans l’utilisation de la notion de 
mérite. Reprenons l’exemple de l’entrée à l’université. On peut refuser 
le tirage au sort, mais alors quels sont les critères qui vont permettre
 de décider si tel ou tel bachelier mérite d’accéder à la filière qu’il a
 choisie ? Quelle place accorder aux notes et à son parcours 
extra-scolaire ? Comment mesurer sa motivation, son implication dans la 
discipline ?
Si l’on veut utiliser le mérite, il faut pouvoir le mesurer pour 
distribuer les récompenses qui vont avec. Cette mesure n’a rien 
d’évident. Ensuite, une fois qu’on a quantifié le mérite, cela ne suffit
 pas à décider de l’ampleur des écarts qu’il justifie. On peut estimer 
par exemple que les sommes mirobolantes touchées par quelques PDG de 
très grandes entreprises, stars du sport ou du show-business, sont sans 
rapport avec leur « effort » ou leur « mérite » personnel.
Pour que l’on puisse parler de mérite, il faut aussi que la 
compétition soit juste. Enlevez ses crampons de footballeur à Neymar et 
il peinera à marquer des buts. Dans la vie, c’est pourtant ce qui se 
produit : dès les petites classes de maternelle par exemple, on constate
 des écarts de niveau scolaire selon le milieu social des enfants. Même 
si tous les écoliers partaient de la même ligne de départ, il faudrait 
en plus qu’ils aient accès aux mêmes ressources éducatives, ce qui n’est
 pas le cas. Quoi de commun entre les devoirs de Thomas, rédigés avec 
l’aide de sa mère professeure, et ceux de Kamel dont les parents ne 
parlent pas le français ?
Une fiction nécessaire
Ce n’est pas tout. Le mérite suppose aussi que l’on puisse mesurer 
des résultats de façon individuelle. Dans un monde où l’on travaille 
souvent en équipe et où le travail de chacun repose sur un ensemble de 
techniques, de savoir-faire et d’équipements qui sont le produit d’une 
longue accumulation dans le temps, qui peut dire quel bénéfice doit 
revenir à chacun ?
Si l’on prend l’exemple des médecins et des aides-soignants, comment 
expliquer que l’immense majorité du mérite ne revienne – si on en juge 
par les salaires – qu’aux premiers ? Pourquoi les métiers les plus 
difficiles physiquement, ceux qui usent le corps en profondeur, qui 
réduisent l’espérance de vie, sont-ils les moins rémunérés dans notre 
société ? L’effort physique, sauf dans le sport, rapporte peu de mérite.
 II ne faut cependant pas réduire les qualités de ceux qui accèdent à de
 hautes responsabilités : personne n’a envie de se faire opérer par le 
premier venu ou d’apprendre l’anglais avec une personne qui ne parle pas
 la langue. On devrait pourtant, au minimum, débattre des formes de la 
valorisation des différentes activités humaines.
Nous ne partons pas du même niveau, nous sommes inégaux durant 
l’effort et on a du mal à cerner à qui revient le mérite. Le concept se 
fissure. 
Pourtant, dans une société démocratique où l’accès à la 
richesse est censé ne pas découler d’un statut hérité, comme c’était le 
cas sous l’Ancien Régime, la notion de mérite demeure nécessaire. « Bien
 qu’il ne soit ni réaliste ni même raisonnable de croire que l’égalité 
des chances parfaite soit réalisable, et bien qu’il soit peut-être 
dangereux de le laisser penser, il ne serait ni souhaitable ni possible 
d’abandonner cette épure. Celle-ci est une fiction nécessaire », note justement le sociologue François Dubet (L’école des chances, République des idées - Seuil, 2004).
On sait que le mérite ne marche pas bien en pratique, mais, parce 
qu’on ne sait pas comment faire autrement, finalement c’est un moindre 
mal qui permet de limiter l’arbitraire. Pour aller plus loin, il faut 
s’interroger sur la façon dont se décide le mérite, et plus 
particulièrement sur qui décide que tel ou tel individu est méritant – 
question peu discutée mais pourtant centrale pour comprendre comment 
fonctionnent nos sociétés. Un enseignant qui distribue des notes 
attribue des mérites. Tous nos systèmes éducatifs reposent sur la 
croyance que la note est distribuée de façon juste. Pourtant, on sait 
que les correcteurs évaluent les copies de manières très différentes 
(Les notes. Secrets de fabrication, PUF, 2007). Tous les ans, des 
centaines de milliers de jeunes livrent leur vie future au mérite et ce 
futur se joue parfois à quelques décimales. En fin de compte, le hasard 
n’est pas si loin… C’est d’ailleurs exactement ce qui s’est passé avec 
la nouvelle plateforme d’orientation des bacheliers « Parcoursup » qui a
 parfois classé les élèves en fonction de la troisième décimale de leur 
note, sans grande différence avec le hasard.
Dans l’entreprise, les décisions sur les niveaux de salaire à 
l’embauche, puis sur les éventuelles augmentations individuelles par la 
suite, reposent sur une idée que l’on se fait des compétences, donc du 
mérite. Même lorsque ces décisions sont codifiées (en fonction du poste 
de travail, de l’ancienneté, etc.) pour échapper à l’arbitraire 
individuel, elles reposent toujours sur des représentations sociales qui
 peuvent être discutées. 
L’entretien d’évaluation qu’une partie des 
salariés ont avec leur supérieur hiérarchique chaque année est ainsi un 
lieu important de distribution du mérite.
| Les élites se mobilisent pour défendre leurs privilèges | 
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« Faites ce que je dis, mais pas ce que je fais ».Les élites qui tiennent un discours sur l’égalité des chances et le 
mérite font, en pratique, tout pour maintenir leurs positions, préserver
 leurs privilèges : « La référence au marché, à la concurrence, à la 
compétition, apparaît comme dominante dans les discours des dominants, 
alors même que leurs pratiques sont bien loin de cet individualisme 
théorique », notent les sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot , spécialistes de la grande bourgeoisie. « L’égalité
 des chances est même systématiquement battue en brèche par les 
institutions ad hoc, les écoles d’élite et les rallyes, qui pratiquent 
l’ostracisme social  », poursuivent-ils. 
Le sommet de la pyramide sociale n’est pas seul dans ce cas. D’une 
manière plus large, les classes favorisées mettent en avant la logique 
de la compétition et le mérite individuel mais se protègent 
collectivement pour éviter que l’on remette en cause leurs privilèges. 
Les plus diplômés sont ainsi organisés en lobbys qui ont tribune libre 
dans une grande partie de la presse pour exprimer par exemple leur refus
 de toute réforme scolaire d’ampleur qui améliorerait l’égalité des 
chances en pratique. Comme le note le philosophe Patrick Savidan, la 
mise en avant de l’égalité des chances par les plus favorisés a un 
objectif politique : « Conçue dans une perspective radicalement 
individualiste, [elle] autorise et rend invisibles les inégalités 
sociales les plus profondes et les plus durables. Derrière son étendard 
se recomposent ainsi des castes, se redéfinissent des privilèges, 
s’élaborent à nouveau des langages de stigmatisation destinés à énoncer 
la condition de ceux qui n’auront su saisir leurs “ chances ” » . 
Les multiples expériences ont montrés que ce salaire au mérite, testé  dans de nombreuses entreprise multinationale, a créé des inégalités salariales
 importantes entre salariés et ne fait qu’accroitre les inégalités......salariales et donc sociale.  
Le salaire a la tête du client ne peut et ne doit devenir le mode de salaire de base , Pour la CGT, la lutte continuera pour exiger de vraies augmentations de salaire et non une iniquité de traitement  
Bonne fin de semaine  
Source: Observatoire des Inégalités - Novembre 2018.  
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