Constante des politiques économiques, la baisse du coût du
travail est pourtant loin d’être suffisante pour améliorer la
compétitivité d’un pays.
Faut-il
chercher à tout prix à baisser le coût du travail en France ? Alors que
les entreprises s’apprêtent à bénéficier de nouveaux allègements de
cotisations sociales, une étude récente de la Banque de France vient relativiser l’effet d’une telle politique sur la compétitivité des produits français.
Allégements pérennes
Depuis le 1er octobre, le deuxième étage du dispositif
visant à remplacer le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi
(CICE) est entré en œuvre. Désormais, les cotisations sociales que les
entreprises versent sur les salaires au niveau du Smic seront
abaissées de 4,05 points. Cet allègement vient s’ajouter à celui mis en
place au 1er janvier dernier.
En lieu et place du CICE stricto sensu – héritage
du quinquennat Hollande qui permettait aux entreprises de bénéficier
d’un crédit d’impôt équivalent à 6 % des rémunérations inférieures à 2,5
fois le Smic –, le gouvernement a décidé d’une baisse directe des
cotisations sociales dans les mêmes proportions. Mais avant que cette
baisse de cotisations ne se substitue au crédit d’impôt, les employeurs
ont exceptionnellement droit aux deux en 2019, année de transition.
Résultat : la facture double pour les finances publiques, passant de 20 à
40 milliards d’euros.
Avec cette bascule vers des allègements de cotisations pérennes, le
gouvernement espère un effet plus direct sur l’emploi. Les entreprises
encaissent la baisse de cotisations au moment où elles versent les
salaires, alors qu’elles devaient attendre un an pour recevoir le crédit
d’impôt.
Améliorer compétitivité prix et hors prix
Mais comme son nom l’indique, l’autre objectif du CICE était
d’améliorer la compétitivité des entreprises, afin qu’elles gagnent des
parts de marché à l’export. Il s’agissait de doper leur compétitivité
prix, le CICE étant alors utilisé par les entreprises françaises pour
baisser le prix de leurs produits. Mais aussi leur compétitivité
hors-prix, les marges dégagées par le CICE servant cette fois aux
entreprises à investir et innover pour monter en gamme et se démarquer
de la concurrence.
Le présupposé derrière cette politique est que la dégradation de ces
deux formes de compétitivité explique les déboires du commerce extérieur
français depuis une dizaine d’années. Un diagnostic que nuance un
récent numéro du Bulletin de la Banque de France.
Première surprise, l’évolution du coût du travail en France
n’apparaît pas réellement déterminante pour expliquer les fluctuations
de la compétitivité prix des produits tricolores. Logique si l’on y
réfléchit : avec l’éclatement géographique de la production, les biens
produits sur un territoire comportent en effet une part croissante de
biens intermédiaires1 – et
donc de travail – importés depuis d’autres pays. La compétitivité prix
d’un produit à l’export ne saurait dès lors se résumer aux coûts de
production sur son territoire d’origine : elle dépend aussi des coûts de
production dans les pays qui ont pris part à sa chaîne de production.
En France, l’évolution de ces coûts importés est à l’origine des
trois quarts de l’augmentation du coût unitaire du travail entre 2000 et
2014, selon la Banque de France. Principal pays d’origine de cette
inflation importée : la Chine ! A partir de 2007, l’empire du Milieu a
en effet vu le yuan s’apprécier et les salaires dans le secteur des
services augmenter.
Le rôle surestimé des prix bas
Mais au final, quelle influence les prix bas jouent-ils dans les
performances à l’export d’un pays ? Et leur qualité et contenu en
innovation ? Au cours de la période récente, dans nombre de pays, ces
deux formes de compétitivité ont eu moins d’influence dans l’évolution
des exportations que la conjoncture mondiale et les fluctuations de la
demande étrangère, montrent les données de la Banque de France. « Ces facteurs exogènes représentent entre 50 % et 85 % de la croissance cumulée entre 2000 et 2014 des exportations selon les pays », soulignent les auteurs
C’est particulièrement le cas de la France, même si compétitivité
prix et compétitivité hors-prix ont pesé négativement sur la croissance
des exportations jusqu’en 2007, avant de devenir plus favorables. C’est
également le cas de l’Allemagne, même si, contrairement à sa voisine,
les deux composantes de la compétitivité ont eu une influence positive
sur l’essor des exportations.
De quoi relativiser le miracle du Made in Germany. Si on met
de côté la part imputable à l’amélioration de la compétitivité, la
croissance des exportations allemandes reste supérieure à celle des
exportations françaises.
En clair, l’industrie allemande doit ses performances à l’export
avant tout à la croissance mondiale et à sa spécialisation industrielle
dans des secteurs qui ont bénéficié d’une forte demande depuis le début
des années 2000 – voitures haut de gamme, chimie, sidérurgie et
équipements de production – plus qu’à ses efforts pour accroître sa
compétitivité durant cette période. Le marasme actuel de ces marchés
explique d’ailleurs pourquoi l’Allemagne est aujourd’hui au bord de la
récession.
Il n’y a guère que deux pays pour qui la compétitivité – hors-prix en
l’occurrence – a joué un rôle plus important que la conjoncture et la
demande extérieure : l’Espagne et la Chine. Une dynamique qui reflète
leurs efforts pour monter en gamme depuis le début des années 2000. Mais
en la matière, les deux pays partaient de loin.
Conclusion : la maîtrise de ses coûts internes n’est pas suffisante
pour booster la compétitivité prix d’un pays. Et l’amélioration de la
compétitivité, qu’elle porte sur les prix ou sur la qualité et
l’innovation des produits, n’est que le petit plus permettant
d’amplifier la croissance des exportations.
Elle joue souvent un rôle moindre que des facteurs externes sur
lesquels les gouvernements n’ont que peu de prise. Dès lors, au-delà du
débat sur leur utilisation par les entreprises, on comprend un peu mieux
pourquoi les milliards du CICE et du Pacte de responsabilité n’ont
guère eu d’effets visibles à ce jour sur le déficit commercial de la
France. Et on peut redouter qu’il en soit de même pour les réformes du
marché du travail menées tambour battant depuis quelques années avec
l’objectif, souvent inavoué, de baisser le coût du travail.
Le fait de chercher des ressources toujours moins chers n'est pas un signe positif pour notre économie la preuve est faite , elle est encore et toujours un objectif de donner toujours plus à des actionnaires qui ne margent plus autant mais jusqu’à quand allons nous permettre cette baisse des cout qui se portent sur nos emplois ?
- BONNE FIN DE SEMAINE A TOUS ET TOUTES -
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