vendredi 28 septembre 2018

#Paradis Fiscaux et Multi Nationale

L’hypertrophie des paradis fiscaux dans les profits des multinationales


Les entreprises multinationales sont, par essence, susceptibles de manipuler la localisation comptable de leur activité. Elles peuvent donc répartir leurs profits entre les différentes juridictions fiscales dans lesquelles elles ont des filiales. Plusieurs instruments peuvent être utilisés à cette fin : la manipulation des prix de transfert sur les transactions entre filiales d’un même groupe (échanges de biens ou de services), ou encore la localisation de dettes ou d’actifs générant des revenus au sein du groupe (brevets, marques, dette, etc.). Quelles qu’elles soient, ces pratiques d’évitement fiscal affectent les profits déclarés par les multinationales dans les différents pays. En conséquence, elles génèrent artificiellement des flux internationaux de dividendes entre filiales et maisons mères, des pays à faible fiscalité vers ceux à fiscalité élevée
Elles biaisent donc les statistiques officielles sur les échanges de chaque pays avec le reste du monde : les balances des paiements nationales, mais aussi et surtout les revenus des investissements directs à l’étranger (IDE), qui mesurent les revenus liés à l’activité des multinationales nationales à l’étranger. Autrement dit, les paradis fiscaux redessinent la carte mondiale des profits des multinationales bien au-delà de leur importance économique, étant donné l’ampleur de l’évitement fiscal international.


Nous retenons ici la liste de paradis fiscaux proposée par Hines et Rice en 1994, liste où figurent des pays comme l’Irlande, le Luxembourg, la Suisse, Chypre, Hong Kong, Macao, ainsi qu’une myriade de petites îles du Pacifique et de l’Atlantique. Cet ensemble de pays ne pèse que 2,6 % du PIB mondial en 2016. Il apparaît pourtant central dans la localisation des revenus des multinationales : 22 % des flux de revenus d’IDE dans le monde étaient en provenance, ou à destination, d’un paradis fiscal en 2016 (voir graphique 1, où les flux dont il est question représentent la moyenne des crédits et des débits des revenus d’IDE). C’est donc plus d’un cinquième des flux mondiaux de revenus des multinationales qui passent par un paradis fiscal, soit près de 10 fois plus que ce que la taille économique de ces pays impliquerait !
Le rôle des paradis fiscaux semble par ailleurs s’accroître au cours du temps, puisque leur part a augmenté de cinq points entre 2005 et 2016, au détriment de celle des pays à hauts revenus (au sens de la classification établie par la Banque mondiale). Hors pays à hauts revenus, la part du groupe des paradis fiscaux dans les flux moyens de revenus d’IDE dépasse l’ensemble des autres zones, et notamment les grands émergents.


Forts excédents sur le poste des revenus de prêts intra-groupe

Les profits des multinationales réalisés à l’étranger, enregistrés dans la balance des paiements sous le poste des revenus d’IDE, revêtent plusieurs formes. Ils peuvent être distribués, réinvestis ou remboursés au titre des prêts que les maisons mères consentent à leurs filiales (ou l’inverse). Au sein des revenus d’IDE, les intérêts intra-groupe apparaissent clairement comme une spécialité des paradis fiscaux. C’est ce que montre le graphique 2, qui représente les soldes (crédits moins débits) de revenus d’IDE par sous-catégorie. Les paradis fiscaux sont ainsi le seul groupe de pays à présenter un surplus du poste des intérêts intra-groupe, les deux autres postes des revenus d’IDE – dividendes et bénéfices réinvestis – étant déficitaires.
L’image des paradis fiscaux rendue par les statistiques de revenus d’IDE est cohérente avec des stratégies d’évitement fiscal des multinationales. Les prêts consentis par les sièges sociaux, localisés dans les paradis fiscaux, aux filiales du groupe, localisées dans des pays à fiscalité élevée, permettent de réduire la facture fiscale en raison de la déduction des intérêts d’emprunt. Intérêts que l’on retrouve au crédit des balances courantes des paradis fiscaux au titre des intérêts intra-groupe.

Ces revenus, ajoutés à ceux générés par la localisation d’autres actifs intangibles (brevets, marques), ou encore à la manipulation des prix de transfert, génèrent des bénéfices comptables pour les multinationales dans les paradis fiscaux. Ces bénéfices sont ensuite transférés à leurs maisons mères dans les pays à hauts revenus, sous la forme de dividendes ou de bénéfices réinvestis. Les pays à hauts revenus perçoivent ainsi plus de revenus-actions (dividendes et bénéfices réinvestis) qu’ils n’en versent au reste du monde, là où les paradis fiscaux sont déficitaires.

La place disproportionnée des paradis fiscaux dans les profits des multinationales révèle bien l’ampleur de l’évitement fiscal qui apparaît dans les statistiques officielles de balance des paiements. Ces faits stylisés rejoignent et confirment les résultats établis sur la base des statistiques de compte nationaux : l’économiste français Gabriel Zucman estime ainsi que 40 % des profits seraient détournés vers les paradis fiscaux chaque année.


Il faut le savoir !


mercredi 26 septembre 2018

#Digital - Google US ou Qwant EU ?.

Un Article sur le DIGITAL  - A Savoir 



En lançant Qwant Pay, Qwant Maps et Qwant Mail, l’entreprise française veut proposer une alternative à l’écosystème de Google qui n’exploite pas les données personnelles pour cibler de la publicité.  Lorsque Qwant a lancé son moteur de recherche français en 2013, beaucoup d’internautes ont réagi avec du sarcasme. Aujourd’hui, l’entreprise est cependant toujours là.  Et au fur et à mesure que le public se rend compte de l’importance de ses données personnelles, Qwant gagne en notoriété.  En effet, à l’instar de DuckDuckGo aux Etats-Unis, le moteur de recherche se positionne comme un anti-Google.  Certes, il gagne de l’argent grâce à de la publicité.  Mais contrairement à la firme de Mountain View, il n’utilise pas les données personnelles de ses utilisateurs pour cibler ces publicités.
Ainsi, après le scandale Cambridge Analytica, le trafic de Qwant est passé de 48 millions de visiteurs à 70 millions de visiteurs par mois. 
Qwant intègre désormais aussi le Top 1000 des sites les plus visités dans le monde.  Et alors qu’il faisait 3,5 millions d’euros de chiffre d’affaire en 2017, cette année, l’entreprise vise les 10 millions.
Le trafic de Qwant est encore très petit par rapport à celui de Google en Europe. 
Mais l’entreprise affiche beaucoup d’optimisme.


Si la cause est noble, Qwant fait office de David contre le Goliath que représente Google, à tel point qu'il est difficile de croire qu'il puisse vraiment lui faire de l'ombre. Pour autant le petit Français fait son bonhomme de chemin, y compris à l'international. "En Allemagne la progression est très forte, de 200% en octobre et en décembre. Mais tous nos serveurs sont en France, ce qui nous désavantage sur les comparateurs", reprend le dirigeant. L'Allemagne représente aujourd'hui 29% du trafic de Qwant, l’Italie fait 8%, suivie du Luxembourg, de la Belgique, de la Suisse, du Portugal et de la Chine (des Européens basés en Chine, s'entend). Sans surprise, la France reste en tête avec 44%.

Un anti-Google complet ?

Le 14 juin 2018, elle a inauguré ses nouveaux locaux à Paris, et en a profité pour annoncer quelques nouveautés à venir. 
En effet, Qwant ne va pas se contenter d’être concurrent de Google dans la recherche. 
Au mois de septembre, l’entreprise lancera un concurrent de Gmail (Qwant Mail), un concurrent de Google Maps (Qwant Maps) et un concurrent de Google Pay (Qwant Pay).
D’autres produits ont également été évoqués, comme le moteur de recherche sportif Qwant Sports, qui s’ajoutera aux autres variantes du moteur de recherche principal : Qwant Games pour les jeux, Qwant Junior pour les enfants et Qwant Music.
En substance, l’entreprise a l’ambition de proposer un écosystème complet, qui sera une alternative à celui de Google, mais sans l’utilisation des données personnelles pour le ciblage publicitaire.
Et plus qu’une question de vie privée, la croissance de Qwant est également une bonne chose pour la souveraineté numérique de l’Europe. 
 
"Qwant est une réponse à tous les sceptiques qui pensent qu’on ne peut pas lutter face à Google. 

D'autres solutions sont présentent sur le marché , au moment ou l'on doit faire de plus en attentions a la gestion de nos données et avec la mise en place de la RGPD et avec les nouvelles obligations de l'entreprise , pourquoi ne pas faire le choix de changer et reprendre la main ou limiter l'utilisation de ces données, le navigateur et le moteur de recherche étant un point important du digital, peux être est-il temps de modifier quelques utilisations courantes ? 

En Savoir plus: http://www.qwant.com

Source:  pressecitron.net

lundi 24 septembre 2018

#Entreprise Libérée - La cage de verre

Améliorer l’engagement, le bien-être et l’autonomie du salarié, tout en boostant l’attractivité de l’entreprise… Voilà les promesses de l’entreprise libérée. Mais derrière ces objectifs, que se cache-t-il vraiment ? Les salariés sont-ils réellement plus heureux ? Est-ce forcément un gage de rentabilité et d’efficacité ?




Rendre l’entreprise plus productive par l’autonomie des collaborateurs. C’est ainsi que l’on pourrait résumer le principal objectif des dirigeants qui se lancent dans la libération de leur organisation. Si l’idée n’est pas nouvelle, elle a fait des émules en France depuis la publication en 2009 de l’ouvrage d’Isaac Getz et de Brian Carney, Liberté et Cie. “L’entreprise libérée c’est une combinaison de choses existantes et qui implique que l’on cherche à donner plus d’autonomie et de responsabilités aux collaborateurs. Avec le sous-entendu que cela favorisera forcément leur engagement et donc la productivité de l’entreprise”, analyse François Geuze, ancien DRH et consultant pour le cabinet E-consulting RH.

Ainsi, ce nouveau mode d’organisation répondrait aux attentes des collaborateurs qui se sentent, il est vrai, de moins en moins impliqués dans leur entreprise. En témoigne l’étude réalisée conjointement par Steelcase et Ipsos en 2016. Les résultats, à l’époque, étaient sans appel et démontraient que seuls 5 % des salariés français estimaient être très engagés dans leur travail et très satisfaits de leur entreprise. Un chiffre bien en dessous de la moyenne mondiale qui atteignait 13 %. A contrario, ils étaient 18 % à se déclarer désengagés de leurs missions quotidiennes, soit 7 points de plus que la moyenne mondiale (11 %). Dans ce contexte, pas étonnant que les entreprises cherchent des solutions pour inverser la tendance et rendre ainsi leurs organisations plus productives.


Dégraissage d’effectifs

Mais derrière la présentation idéale souvent faite de ce nouveau mode d’organisation, se cachent un certain nombre d’écueils voire de dangers dans lesquels il est difficile de ne pas tomber. Le premier étant de penser l’entreprise libérée comme un moyen de faire des économies structurelles. “C’est souvent ce qui est valorisé quand on parle d’entreprise libérée, c’est-à-dire que la décision devenant collective, on va réduire le nombre de procédures, de reporting voire de managers. Tout ce qui peut avoir un impact sur la productivité. Mais si l’on pense de cette façon-là, on oublie qu’on cherche l’implication et l’engagement des collaborateurs, détaille Henri Sendros-Mila, président de la Chambre professionnelle de la médiation et de la négociation.

Auchan figure parmi les sociétés qui ont tenté l’expérience avant de rebrousser chemin. L’enseigne, qui a testé ce nouveau modèle de management dans l’un de ses magasins à Saint-Quentin en 2015, a été accusée d’avoir misé sur l’entreprise libérée pour dégraisser ses effectifs. “Ce thème n’est plus d’actualité. Nous ne reviendrons pas dessus, nous précise-t-on. Nous avons eu des expérimentations en ce sens, mais aujourd’hui, la notion d’entreprise libérée n’est plus au cœur de notre démarche managériale et de notre projet humain.” Bien souvent, il est vrai, quand une entreprise libère son organisation, cela est interprété et analysé par le spectre de la réduction d’effectifs. Que ce soit une volonté ou non des dirigeants…

Mais l’entreprise libérée poserait d’autres problèmes. Parmi eux, le fait qu’au final les décisions stratégiques importantes ne sont pas laissées aux mains des collaborateurs. “Les responsabilités qui étaient celles des managers ne sont pas données aux équipes mais reviennent à la direction”, affirme François Geuze. Surtout, c’est la façon dont est présenté le concept qui est dérangeant, laissant croire que la prise de décisions peut se faire simplement et collectivement. “Or les entreprises qui adoptent le principe de libération veulent être plus rapides dans leur prise de décisions. Il faut être lucide, à un moment donné, cela ne peut pas se faire à 50 personnes”, assure Pascal Grémiaux, fondateur d’Eurécia, logiciel de GRH.


« La libération de l’organisation c’est d’abord l’occasion de se séparer de l’encadrement intermédiaire »


Concentration de pouvoirs

Les défenseurs de l’entreprise libérée l’assurent toutefois : les managers n’ont pas disparu et les choix importants sont effectués par des personnes volontaires, dans la majorité des cas cooptées par les autres collaborateurs. “Penser que l’entreprise libérée supprime les managers, c’est une grosse erreur et surtout un raccourci, estime Damien Richard, enseignant-chercheur à l’Inseec Business School. La différence c’est qu’ils voient leur rôle évoluer et deviennent des coachs accompagnant la prise de décision. Bien souvent, ils sont élus par leurs pairs, les autres salariés de l’entreprise.”
Choisir qui sera son manager, c’est ce qu’il se passe depuis 2009 chez Chrono Flex, spécialisé dans le dépannage de flexibles hydrauliques. “Chaque équipe élit son ‘team leader’, pour 3 ans. Avec lui, les employés s’auto-organisent et construisent leur projet chaque année. Attention, cela ne se fait pas n’importe comment mais selon la vision de l’entreprise, explique Alexandre Gérard, président de Chrono Flex. Ce sont eux qui sont mis à contribution pour acter des choix importants et stratégiques, avec l’aide de leurs équipes. Le pouvoir collectif ne veut pas dire que l’on sera 150 à décider de la couleur du papier peint, au contraire.”

Chacun pourra se faire son avis mais force est de constater qu'il faut analyser ,ce qui semble d'un premier abord comme une évolution positive et attendue par les salariés !

Cet article a été initialement publié dans le n°114 de Courrier Cadres (avril-mai 2018)


lundi 17 septembre 2018

#Dossier Teletravail - ce qui aurait put être mis en place..





 Alors que le gouvernement avec les ordonnances de la loi dite « Travail », a fait le choix de réformer unilatéralement le télétravail, ce guide vise à réhabiliter la négociation collective comme levier pour gagner des avancées pour les salarié·e·s.

En effet, contrairement à ce qu'avaient unanimement prévu les acteurs sociaux dans l’Accord National Interprofessionnel de 2005 et dans les conclusions de la « Concertation sur le développement du télétravail et du travail à distance », les ordonnances suppriment notamment :
  • L’obligation de négocier un accord d’entreprise et de branche encadrant le télétravail. Désormais une charte unilatérale de l’employeur suffira.
  • L’obligation de négocier avec le salarié·e un avenant à son contrat de travail et de définir de façon concertée ses horaires de travail.
  • La prise en charge par l’employeur des équipements du télétravail.
Seule avancée gagnée par la CGT : la présomption d’accident du travail pour les télétravailleurs et télétravailleuses.

Pourtant, il y a urgence à encadrer le télétravail qui concerne de plus en plus de salarié·e·s, essentiellement parmi les ingés, cadres et tech. 6 % des salariés et 17 % des cadres sont reconnus comme télétravailleurs. 
Ce sont même 19 % des salariés et 42 % des cadres qui exercent en télétravail de façon informelle, c’est-à-dire non prévue dans le contrat de travail et sans droits associés. S’ajoute le développement du travail à distance en situation de mobilité (nomadisme) lié à l’essor de l’internet mobile qui renforce la nécessité d’encadrer les nouvelles formes de télétravail.

En s’appuyant sur les aspirations des ingés, cadres et tech, l’Ugict-CGT a pour objectif de gagner des accords collectifs protecteurs, assurant la redistribution aux salarié·e·s des gains de productivité de 10 à 30 % générés par le télétravail1.

Le guide dresse un état des lieux du télétravail en France après les dernières évolutions législatives et liste les dispositions à intégrer dans les accords collectifs pour mettre en place un cadre protecteur pour les salarié·e·s. Il est illustré par des exemples concrets issus d’accords d’entreprises.

 

 

Source et en savoir plus:  
  1. http://www.ugict.cgt.fr/ugict/presse/lugict-cgt-publie-le-guide-du-teletravail 
  2. Dossier au format PDF: TRAVAIL-2018-web2.pdf  
  3. L’ensemble de ses propositions sont en ligne avec l’avenir sur ce site : https://lenumeriqueautrement.fr/ 



vendredi 7 septembre 2018

#Dossier du vendredi - Harcèlement Moral

Harcèlement moral et suicides chez France Télécom : le long travail d'Orange pour regagner la confiance de ses salariés



La multiplication des suicides au sein du groupe, entre 2008 et 2009, est devenue emblématique des souffrances liées au travail. Qu'en est-il aujourd'hui au sein d'Orange ? L'entreprise a-t-elle réussi à remonter la pente ? Direction et syndicats témoignent.

C'est la première affaire de harcèlement moral institutionnalisé qu'aura à trancher la justice. France Télécom (devenu Orange) – en tant que personne morale – l'ex-PDG de l'entreprise, Didier Lombard, et six dirigeants et cadres ont été renvoyés, en juin, devant le tribunal correctionnel de Paris. Ils seront jugés pour "harcèlement moral" et/ou "complicité de harcèlement moral". Le procès devrait se tenir fin 2019. Un cas emblématique, à l'heure où des syndicats de Pôle emploi s'inquiètent de la situation dans leur propre établissement et font des parallèles entre les deux entreprises.

Chez France Télécom, l'affaire remonte à 2008 et 2009. À l'époque, on parle de "vague de suicides". Selon les syndicats et la direction, lors de ces deux années, 35 salariés se sont donné la mort. À l'origine de cette crise sociale, la privatisation de France Télécom et la volonté du groupe de supprimer 22 000 postes (soit un salarié sur cinq de ce groupe qui employait 110 000 personnes en France à l'époque) entre 2006 et 2008 et procéder à 10 000 changements de métier, dans le cadre d'un plan de réorganisation baptisé NExT, pour Nouvelle expérience des télécommunications. "Entre eux, les dirigeants l'appelaient 'nouvelle extermination'", raconte un syndicaliste.

"Management de la terreur"

En 2006, face à l'association des cadres supérieurs et dirigeants de France Télécom, Didier Lombard prononce une phrase qui marque les esprits : "En 2007, je ferai les départs d'une façon ou d'une autre, par la fenêtre ou par la porte." Pour les salariés, le plan NExT se révèle être synonyme d'un "management de la terreur", selon les termes employés par un technicien marseillais qui se suicide en 2009.
Mobilité forcée (changement de fonctions, mutation géographique et dans le temps – un manager ne peut rester plus de trois ans au même poste afin de limiter les liens humains avec ses équipes), harcèlement, pressions, absence de missions pour décourager certains, déménagements anarchiques (un salarié pouvait se retrouver sans chaise, bureau et même sans collègue à son retour de vacances, se souvient un témoin de l'époque). "Il fallait briser les gens pour les faire partir",

 "Les suicides étaient la partie émergée de l'iceberg, la plus dramatique, mais les souffrances sociales (perte de sens dans les missions, arrêts de travail, dépression...) se sont généralisées."

 Tous les responsables syndicaux interrogés par franceinfo s'accordent sur la date de la fin de cette période de "catastrophe sociale" : en février 2011, Didier Lombard renonce prématurément à ses fonctions de PDG. Stéphane Richard, déjà directeur général du groupe, le remplace à la tête de France Télécom. Aujourd'hui, il est présenté par beaucoup comme "l'homme qui a ramené la paix sociale" au sein de l'entreprise. "Il était quand même déjà au conseil d'administration et donc au courant de ce qu'il se passait dans l'entreprise", nuance Cédric Carvalho, délégué syndical central Orange (CGT).

 

"La pression est retombée et la parole a pu se libérer"


Le nouveau PDG décide d'abandonner le plan NExT. "Du jour au lendemain, les mobilités forcées s'arrêtent et on retrouve une forme d'apaisement", explique Sébastien Crozier. "À l'arrivée de Stéphane Richard, l'entreprise est aux abois, confie une syndicaliste SUD Orange, qui préfère conserver l'anonymat. La direction a lâché du lest, la pression est retombée et la parole a pu se libérer", poursuit-elle. "Il y a d'abord eu une période de gestion de crise et d'urgence pour que la situation redevienne la plus normale possible", détaille Jean-Bernard Orsoni, directeur de la presse et des médias de l'opérateur télécom.
Représentants syndicaux et direction s'accordent d'abord sur le choix du cabinet Technologia, spécialisé dans les risques liés à l'activité professionnelle, pour réaliser une grande étude auprès des salariés. Ils sont 80 000 à répondre aux 160 questions de l'enquête. Sans surprise, les conclusions, rendues en décembre 2009, accablent la direction de France Télécom. Les experts estiment que "l'ambiance de travail est tendue, voire violente" au sein de l'entreprise et pointent "la grande défaillance du management".

 

Une "veille sur le bien-être" des salariés


Sur le long terme, la direction de l'opérateur télécoms "s'inscrit en co-construction avec les représentations syndicales et les salariés du groupe". Des négociations avec les syndicats aboutissent à la signature d'une dizaine d'accords d'entreprise (conditions de travail, management, dialogue social, environnement de travail...). "Malheureusement, l'entreprise a freiné des quatre fers et bloque toujours aujourd'hui pour appliquer une large partie de ces accords", déplore Cédric Carvalho de la CGT.
Toutefois, le syndicaliste souligne que "beaucoup d'efforts ont été faits". La mobilité des salariés se fait désormais sur la base du volontariat ; certains cas de suicides ont été reconnus par la direction en tant qu'accident du travail ; les salariés seniors ont eu la possibilité d'aménager leur temps de travail ; les managers sont spécifiquement formés à la problématique de la souffrance au travail ; 10 000 personnes ont été recrutées en CDI entre 2010 et 2012 pour "soulager les secteurs en tension"...
Une cellule de veille et de médiation a été mise en place (elle existe toujours aujourd'hui) pour les situations douloureuses. Composée d'un ancien dirigeant des ressources humaines, un psychiatre, un assistant social, un juriste, elle examine les dossiers de salariés dont la situation est considérée comme "bloquée". "Il y a une veille sur le bien-être, il y a du mieux", reconnaît la syndicaliste de SUD Orange.




Chacun son thermomètre social

Depuis la crise, la direction demande à un institut d'études privé de réaliser un "baromètre social" deux fois par an. "Aujourd'hui 89% des salariés se disent fiers d'appartenir à Orange", se félicite le porte-parole du groupe. Ce chiffre était tombé à 25% chez les non-cadres en 2009. Un résultat en trompe-l'œil selon Cédric Carvalho. Pour le montrer, les syndicats se sont dotés après la crise des suicides d'un comité national de prévention du stress. Un moyen aussi de bénéficier de son propre thermomètre social.
Et d'après les résultats d'une enquête réalisée par ce comité en 2016 et dévoilée en 2017, 78% des salariés d'Orange jugent leur travail intense, 84% d'entre eux estiment que leur travail est de plus en plus exigeant, 77% jugent leurs perspectives d'évolution faibles et 56% estiment ne pas être assez nombreux pour faire face à la quantité de travail. Pour le délégué syndical central Orange, ces résultats s'expliquent par les conditions de travail "qui se dégradent, la pression est accrue".

Le climat social n'est pas encore à l'orage mais les partenaires sociaux sont toujours en alerte, chacun regarde fébrilement ses indicateurs. "La période 2008-2009 reste évidemment dans toutes les têtes", raconte Cédric Carvalho. Un constat partagé par la direction d'Orange. "L'expérience a été traumatisante pour tout le monde", estime Jean-Bernard Orsoni, le porte-parole du groupe. Pour lui, l'opérateur est devenu "l'une des entreprises les plus sensibles à la question de la souffrance au travail" : "On connaît trop les dégâts, on sait aussi la difficulté à sortir d'une telle situation de crise."

 il est nécessaire d'être très très prudent en matière de gestion et de management des salariés et les refontes et changement successifs de processus et ou directions et donc il est tout à fait normale que les salariés aient des craintes qu'en à leurs avenirs, d'autant à ce jour en vue du marché rien n'est stable; ce qui n'empêche pas que la responsabilité des employeurs en vue des réorganisations est bien toujours présente ne l'oublions pas !

Nous sommes des salariés et l'employeur un employeur avec des devoirs et des obligations pour chacun,et la barrière vie privée et vie professionnelle doit rester la norme , ceci afin de permettre une évolution et un traitement de chaque salarié qui ne serait pas soumis à la volonté de tel ou tel management et surtout sans distinctions .

La vigilance derrière les mots et les communications doit être le maitre mot et un questionnement que nous devons tous nous porter à chaque évolutions des processus.


Bonne journée et Week-end par avance !!