PREMIER BILAN DU COMITÉ D’ÉVALUATION DES ORDONNANCES MACRON
Pas plus de dialogue social mais des licenciements facilités
« (…) Sous couvert de protéger les entreprises, [la loi « secret des affaires »] verrouille l’information sur les pratiques des firmes et les produits commercialisés par les entreprises. Des scandales comme celui du Mediator ou du bisphénol A, ou des affaires comme les Panama Papers ou LuxLeaks, pourraient ne plus être portés à la connaissance des citoyens.Autant de raisons de consacrer à l’examen des effets probables de cette loi (qui n’est pas encore promulguée) sur l’activité journalistique le prochain Jeudi d’Acrimed qui se tiendra le 7 juin, avec Olivier Petitjean (journaliste à Basta, en charge de l’Observatoire des multinationales) et Laura Rousseau (de l’association Sherpa) [2].
En gravant dans le marbre la menace systématique de longs et coûteux procès, cette loi est une arme de dissuasion massive tournée vers les journalistes, les syndicats, les scientifiques, les ONGs et les lanceurs d’alertes. »
« Plus efficace encore que le harcèlement judiciaire, l’arme fatale de Bolloré reste incontestablement l’argent. Ainsi, selon le Canard enchaîné, l’homme d’affaires a récemment fait supprimer d’importants budgets publicitaires de l’agence Havas au journal Le Monde, à la suite de deux articles qui lui ont profondément déplu. Le premier présente Bolloré comme « le plus grand prédateur de la place de Paris ». L’autre article concerne l’implantation de Bolloré en Côte d’Ivoire, notamment les conditions dans lesquelles il a décroché la concession du deuxième terminal à conteneurs du port d’Abidjan. Au total, il s’agit d’une perte de plus de sept millions d’euros sur deux ans pour le quotidien détenu par les hommes d’affaires Pierre Bergé, Xavier Niel et Mathieu Pigasse. »- Le 22 janvier 2016, dans un article titré « Tentative de bâillonner la critique des sondages : un observatoire menacé » nous avons relaté « les étapes du marathon judiciaire imposé par Christian Latouche et Fiducial à l’Observatoire des sondages et à Alain Garrigou [4]. »
« Est protégée au titre du secret des affaires toute information présentant l’ensemble des caractéristiques suivantes :Or il s’avère que les documents obtenus par des lanceurs d’alertes dans l’affaire des LuxLeaks, soit le contenu de plusieurs centaines d’accords fiscaux conclus par des cabinets d’audit avec l’administration fiscale luxembourgeoise pour le compte de nombreux clients internationaux et révélés par les journalistes du Center for Public Integrity contiennent bien des informations :
1° Elle n’est pas, en elle-même ou dans la configuration et l’assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible à une personne agissant dans un secteur ou un domaine d’activité s’occupant habituellement de cette catégorie d’informations ;
2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, parce qu’elle est secrète ;
3° Elle fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le secret, notamment en mentionnant explicitement que l’information est confidentielle ».
« I. – Le secret des affaires n’est pas protégé lorsque l’obtention, l’utilisation ou la divulgation du secret est requise ou autorisée par le droit de l’Union européenne ou le droit national, notamment dans l’exercice des pouvoirs d’enquête, de contrôle, d’autorisation ou de sanction des autorités judiciaires ou administratives.Ainsi, dans le cas des LuxLeaks les journalistes auraient donc pu se défendre en prouvant que la divulgation des informations protégées a été effectuée dans l’exercice de leur « liberté d’expression et de communication, y compris le respect de la liberté de la presse, et à la liberté d’information telle qu’établie dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ».
Il n’est pas non plus protégé lorsque l’obtention, l’utilisation ou la divulgation du secret est intervenue :
1° Pour exercer le droit à la liberté d’expression et de communication, y compris le respect de la liberté de la presse, et à la liberté d’information telle qu’établie dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;
2° Pour révéler, dans le but de protéger l’intérêt général et de bonne foi, une activité illégale, une faute ou un comportement répréhensible, y compris lors de l’exercice du droit d’alerte tel que défini par l’article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ;
3° Pour la protection d’un intérêt légitime reconnu par le droit de l’Union européenne ou le droit national, notamment pour empêcher ou faire cesser toute menace ou atteinte à l’ordre public, à la sécurité publique, à la santé publique et à l’environnement.
II. – Le secret des affaires n’est également pas protégé lorsque :
1° L’obtention du secret des affaires est intervenue dans le cadre de l’exercice du droit à l’information et à la consultation des salariés ou de leurs représentants ;
2° La divulgation du secret des affaires par des salariés à leurs représentants est intervenue dans le cadre de l’exercice légitime par ces derniers de leurs fonctions, pour autant que cette divulgation ait été nécessaire à cet exercice. »