En communiquant abondamment sur la baisse de 5 milliards d'euros de
l'impôt sur le revenu, le gouvernement ne dit qu'une partie de la
vérité. En réalité, la pression fiscale sur les ménages ne cesse de
s'accroître
Officiellement, on ne parle que de baisses d'impôts en cette période
de discussion budgétaire. Pourtant, les recettes 2020 sont prévues pour
se porter plus que bien. Prenons l'impôt sur le revenu (IR) des
ménages : sa recette va toucher des sommets l'an prochain avec
75,5 milliards d'euros, 5 milliards de plus que la prévision 2019 alors
même qu'une baisse de 5 milliards est prévue. Sans cette baisse, la
recette de l'IR aurait donc été de plus de 80 milliards !
Pour
comprendre cette belle et souterraine dynamique il faut revenir sur
l'exercice 2019. L'impôt sur le revenu 2019 sera de 7,3 milliards plus
élevés que prévu et initialement voté au Parlement en loi de finances.
En effet, au lieu d'encaisser pour 70,4 milliards d'euros, le passage au
prélèvement à la source devrait aboutir à une recette de 72,6 milliards
d'euros auxquels il convient d'ajouter 5,1 milliards qui seront payés
par les Français en décembre 2019, mais encaissés en janvier 2020.
Le vrai poids de l'impôt sur le revenu pour le portefeuille des
Français sera donc en 2019 non de 70,4 milliards, mais de
77,7 milliards, soit presque 5 milliards de plus qu'en 2018 et devrait
apparaître telle en comptabilité nationale, la seule présentation qui
fait foi pour mesurer la maîtrise de nos comptes publics. Le prélèvement
à la source a bel et bien été un véritable jackpot pour Bercy.
Noyer le poisson
D'où
viennent alors ces 5 milliards de plus ? En partie de l'imposition des
revenus exceptionnels de 2018 encaissés en 2019 et qui représente un
gain supplémentaire de 2 milliards d'euros. Et, en partie du fait que le
barème de l'impôt en 2019 n'a pas été réévalué autant qu'il aurait dû
de l'inflation (à cause du traitement de l'année blanche) d'où un « gel
partiel » du barème… qui ferait rentrer environ 3 milliards d'euros.
Alors
pour mieux noyer le poisson, le gouvernement communique beaucoup sur
l'amélioration du taux de recouvrement qui serait survenue grâce au
prélèvement à la source… Sauf que ce dernier - le taux brut de
recouvrement hors contrôle fiscal - était déjà de 99 % en 2018 et serait
de 98,5 % en 2019. On ne voit pas bien où est l'amélioration !
Pour
2020, l'équation n'est pas plus lisible. Si l'on en croit les documents
budgétaires, l'évolution spontanée de l'impôt sur le revenu serait de
2,4 milliards d'euros, ce qui semble beaucoup et n'a de spontané que le
nom car c'est en fait lié au décalage de la recette de décembre 2019 en
janvier 2020.
Enfin, la concentration de l'IR s'accentue encore. La révision du
barème est créative : une seconde tranche à 11 %, la correction des
seuils à la baisse pour ceux à 30 et à 41 %, et un gel à 45 %. Un beau
tripatouillage censé empêcher les ménages « aisés » de bénéficier de la
baisse, voir alourdir leur cotisation finale. Les 10 % de foyers fiscaux
qui possèdent les revenus fiscaux de référence (RFA) les plus élevés
(au-dessus de 55.481 euros) acquittaient déjà 68 % de l'ensemble de l'IR
en 2017. Cette concentration va clairement s'accroître en 2020.
En résumé, sans
la baisse de 5 milliards programmée de l'impôt sur le revenu,
la recette sur les deux ans 2019-2020 aurait été de 153 milliards et
76,5 milliards par année, en moyenne. Soit 7 milliards de plus sur deux
ans par rapport aux recettes antérieures de l'impôt. Un bond
phénoménal. En communiquant à fond sur la « baisse » de 5 milliards,
Bercy rend un peu de cette augmentation de la pression fiscale sur les
ménages. Mais il ne rend pas tout. Et le nouveau barème aggrave la
concentration de l'impôt sur le revenu sur le haut du barème.
Bref, en
annonçant avec trompettes et tambours des baisses d'impôts,
l'administration fiscale manie toutes les subtilités de calcul de
l'impôt qui échappent aux Français… mais ne perd en réalité pas un euro
de recette.
Source Les Echos: (11/2019): Agnès Verdier-Molinié,, directrice de la Fondation pour la
recherche sur les administrations et les politiques publiques (iFRAP).
Voilà de quoi faire réfléchir quand aux actions et annonces !
la CGT qui cite un article qui dénonce le fait que les plus riches payent plus d’impôt, j'avoue être surpris.
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