40% des actifs déclarent que leur travail
affecte leur santé, 42% des RH estiment devoir régulièrement agir
contre leurs convictions et leurs valeurs...
Chronique d'un Ex DRH -
Je suis entré en Ressources Humaines en 1995 et en suis sorti 22 ans plus tard, estimant que la tragi-comédie avait assez duré.
Le malentendu est né avant ma naissance (professionnelle of course)
quand le service du personnel a troqué son nom pour devenir les
Ressources Humaines. L'ancienne dénomination n'était pas glamour, mais
avait le mérite de décrire parfaitement la fonction: la gestion
administrative du salarié de son entrée à sa sortie. La paie, qui relève
bien plus de la comptabilité, et les relations avec les Instances Représentatives du Personnel (Comité d'Entreprise et Cie) faisaient également partie du package.
Ces tâches représentent encore aujourd'hui quasiment 80% de la charge
de travail globale (comprenant les activités sous-traitées et
externalisées) des RH.
Dans
les années 80, en plein essor de la mondialisation, de la dérégulation
et de la financiarisation... bref de la déshumanisation de l'entreprise,
on allait, d'un coup de peinture bon marchée, rebaptiser un service
purement administratif et lui conférer en même temps un rôle soi-disant
stratégique. On en profita pour créer un nouveau bullshit job: le HR business partner (en anglais dans le texte). Le HRBP
(ou DRH, ou RRH) devenait le stratège, la crème de la crème, tandis que
le reste des RH (80% quand même) devenait un vestige du passé, des
besogneux inutiles qu'il fallait réduire, externaliser ou oustourcer.
Dès
97, les nouvelles techniques de "management", portées par les RH,
faisaient sentir leurs effets: le nombre de licenciements pour motif
personnel (faute et incompétence) dépassait les licenciements pour motif
économique. Depuis cette année, l'écart n'a cessé de se creuser.
Aujourd'hui, le constat est accablant: 50% des salariés disent éprouver
du stress au travail, les troubles psychologiques liés à l'activité
professionnelle sont en constante progression et touchent plus 26% des
hommes et 40% des femmes, 40% des actifs déclarent que leur travail
affecte leur santé, 41% des causes de stress sont à rechercher dans
l'organisation du travail, 59% des salariés s'estiment perdants dans
leur relation au travail, 13% des salariés et 42% des RH estiment devoir
régulièrement agir contre leurs convictions et leurs valeurs...
Par
contre, la productivité horaire des Français est devenue l'une des plus
élevées des pays industrialisés et la durée annuelle réelle du travail
en France est supérieure à celle de l'Allemagne (1457 heures en 2007
contre 1353): et oui, les Français travaillent plus et sont plus
productifs que les Allemands!
Mais c'est aussi en France (parmi les pays
européens) que les sentiments de stress et d'épuisement sont les plus
élevés, que la satisfaction au travail est la moins élevée et que le
temps partiel choisi, l'un des plus puissants leviers pour lutter contre
le chômage, est le plus bas.
Toutes
les études n'ont pas la même rigueur, toutes ne sont pas neutres, mais
l'on pourrait aligner les chiffres sur des pages entières, ils
indiqueraient tous la même mauvaise direction, et avec une armée de
réserve de plus de 6 millions de chômeurs, la machine à broyer a encore
de beaux jours devant elle.
La mécanique est tellement bien rodée
qu'elle n'a plus besoin des RH pour la faire fonctionner.
Le futur de
cette fonction est son passé, elle va redevenir ce qu'elle aurait
toujours dû être, une fonction essentiellement administrative rattachée à
un autre département de l'entreprise, probablement la finance. Les
salariés ne s'en porteront pas plus mal, mais pas mieux non plus.
Lueur
d'espoir, des entreprises, encore peu nombreuses, tentent de trouver un
meilleur équilibre entre la nécessité de générer des profits
raisonnables, la bienveillance à l'égard des salariés et une plus grande
intégration positive aux écosystèmes (social, sociétal, écologique...)
qu'elles impactent directement ou indirectement.
Dès aujourd'hui le
challenge est de faire la part du bon grain et de l'ivraie dans les
théories, les expériences, les gourous et les modes. Puissions-nous
avoir appris de cette mascarade que sont trop souvent les RH.
Par Didier Bille - Ancien Directeur des Ressources Humaines
En savoir plus : Ici
Un Livre a conseiller :"DRH - La machine à broyer", de Didier Bille, éditions du cherche midi
Bonne Journée a tous
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