jeudi 5 avril 2018

#Media - Vie Ma Vie de DRH

40% des actifs déclarent que leur travail affecte leur santé, 42% des RH estiment devoir régulièrement agir contre leurs convictions et leurs valeurs...


Chronique d'un  Ex DRH - 
 
Je suis entré en Ressources Humaines en 1995 et en suis sorti 22 ans plus tard, estimant que la tragi-comédie avait assez duré.
Le malentendu est né avant ma naissance (professionnelle of course) quand le service du personnel a troqué son nom pour devenir les Ressources Humaines. L'ancienne dénomination n'était pas glamour, mais avait le mérite de décrire parfaitement la fonction: la gestion administrative du salarié de son entrée à sa sortie. La paie, qui relève bien plus de la comptabilité, et les relations avec les Instances Représentatives du Personnel (Comité d'Entreprise et Cie) faisaient également partie du package. Ces tâches représentent encore aujourd'hui quasiment 80% de la charge de travail globale (comprenant les activités sous-traitées et externalisées) des RH.


Dans les années 80, en plein essor de la mondialisation, de la dérégulation et de la financiarisation... bref de la déshumanisation de l'entreprise, on allait, d'un coup de peinture bon marchée, rebaptiser un service purement administratif et lui conférer en même temps un rôle soi-disant stratégique. On en profita pour créer un nouveau bullshit job: le HR business partner (en anglais dans le texte). Le HRBP (ou DRH, ou RRH) devenait le stratège, la crème de la crème, tandis que le reste des RH (80% quand même) devenait un vestige du passé, des besogneux inutiles qu'il fallait réduire, externaliser ou oustourcer.


Dès 97, les nouvelles techniques de "management", portées par les RH, faisaient sentir leurs effets: le nombre de licenciements pour motif personnel (faute et incompétence) dépassait les licenciements pour motif économique. Depuis cette année, l'écart n'a cessé de se creuser. Aujourd'hui, le constat est accablant: 50% des salariés disent éprouver du stress au travail, les troubles psychologiques liés à l'activité professionnelle sont en constante progression et touchent plus 26% des hommes et 40% des femmes, 40% des actifs déclarent que leur travail affecte leur santé, 41% des causes de stress sont à rechercher dans l'organisation du travail, 59% des salariés s'estiment perdants dans leur relation au travail, 13% des salariés et 42% des RH estiment devoir régulièrement agir contre leurs convictions et leurs valeurs... 
Par contre, la productivité horaire des Français est devenue l'une des plus élevées des pays industrialisés et la durée annuelle réelle du travail en France est supérieure à celle de l'Allemagne (1457 heures en 2007 contre 1353): et oui, les Français travaillent plus et sont plus productifs que les Allemands! 
Mais c'est aussi en France (parmi les pays européens) que les sentiments de stress et d'épuisement sont les plus élevés, que la satisfaction au travail est la moins élevée et que le temps partiel choisi, l'un des plus puissants leviers pour lutter contre le chômage, est le plus bas.

Toutes les études n'ont pas la même rigueur, toutes ne sont pas neutres, mais l'on pourrait aligner les chiffres sur des pages entières, ils indiqueraient tous la même mauvaise direction, et avec une armée de réserve de plus de 6 millions de chômeurs, la machine à broyer a encore de beaux jours devant elle. 
La mécanique est tellement bien rodée qu'elle n'a plus besoin des RH pour la faire fonctionner. 
Le futur de cette fonction est son passé, elle va redevenir ce qu'elle aurait toujours dû être, une fonction essentiellement administrative rattachée à un autre département de l'entreprise, probablement la finance. Les salariés ne s'en porteront pas plus mal, mais pas mieux non plus.


Lueur d'espoir, des entreprises, encore peu nombreuses, tentent de trouver un meilleur équilibre entre la nécessité de générer des profits raisonnables, la bienveillance à l'égard des salariés et une plus grande intégration positive aux écosystèmes (social, sociétal, écologique...) qu'elles impactent directement ou indirectement. 
Dès aujourd'hui le challenge est de faire la part du bon grain et de l'ivraie dans les théories, les expériences, les gourous et les modes. Puissions-nous avoir appris de cette mascarade que sont trop souvent les RH.

Par Didier Bille - Ancien Directeur des Ressources Humaines
 
En savoir plus : Ici

Un Livre a conseiller :"DRH - La machine à broyer", de Didier Bille, éditions du cherche midi

 


Bonne Journée a tous 

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