vendredi 28 octobre 2016

Dossier du Vendredi - SANTE AU TRAVAIL

Précisions importantes sur l’obligation légale de sécurité de l’employeur
Dans un nouvel arrêt qui fait jurisprudence (publié au Rapport annuel des arrêts de la Cour de cassation), le juge de cassation précise la nature et la portée de l’obligation légale de sécurité de l’employeur. 

- Source M.Chapuis Ugict CGT

Faits et procédure
M. X, engagé le 27 janvier 1997 par la société Finimétal en qualité d’agent de fabrication de radiateurs tubulaires, exerçant en dernier lieu les fonctions d’agent de qualité, a saisi la juridiction prud’homale le 22 mars 2011 en résiliation judiciaire aux torts de l’employeur de son contrat de travail et en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral et indemnités de rupture ; à cette instance, est intervenu volontairement son supérieur hiérarchique, M. Y ; à la suite de deux visites de reprise par le médecin du travail les 5 et 21 juillet 2011 concluant à son aptitude à un poste similaire dans un environnement de travail différent et à l’inaptitude à son poste d’agent de qualité, M. X a été licencié par lettre du 27 décembre 2011 pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.
Pour rejeter la demande du salarié au titre du harcèlement moral, la cour d’appel a retenu que – s’agissant des dispositifs de prévention du harcèlement moral que tout employeur doit mettre en œuvre dans son entreprise – il convient de sou- ligner que, de par la nature même des faits de harcèlement moral qu’il s’agit de prévenir, de tels dispositifs ne peuvent avoir principalement pour objet que de faciliter, pour les salariés s’estimant vic- times de tels faits, la possibilité d’en alerter leur employeur directement ou par l’intermédiaire de représentants qualifiés du personnel, or l’employeur justifiait avoir modifié son règlement intérieur pour y insérer une procédure d’alerte en matière de harcèlement moral, avoir mis en œuvre dès qu’il a eu connaissance du conflit personnel du salarié avec son supérieur hiérarchique immédiat une enquête interne sur la réalité des faits, une réunion de médiation avec le médecin du travail, le directeur des ressources humaines et trois membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail en prenant la décision au cours de cette réunion d’organiser une mission de médiation pendant trois mois entre les deux salariés en cause confiée au directeur des ressources humaines.
Le salarié se pourvoit en cassation contre cet arrêt de la cour d’appel qui l’a débouté.

Réponse de la Cour de cassation
Principe (nouveau). « Attendu que ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4 121-1 et L. 4 121-2 du Code du travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.»

Application du principe
La Cour de cassation (chambre sociale) casse l’arrêt de la cour d’appel qui avait rejeté la demande du salarié, en lui reprochant de ne pas avoir vérifié si l’employeur avait rempli ses obligations légales :
« Qu’en statuant ainsi, sans qu’il résulte de ses constatations que l’employeur avait pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4 121-1 et L. 4 121-2 du Code du travail et, notamment, avait mis en œuvre des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral, la cour d’appel a violé les textes susvisés. [...]
Par ces motifs : casse et annule [...] l’arrêt rendu le 20 décembre 2013, entre les par- ties, par la cour d’appel de Douai [...] ; remet, en conséquence, [...] la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Amiens. »

Décision
(Cour de cassation, chambre sociale, 1er juin 2016, M. Jean-François X... c/M. Serge Y..., Sté Finimétal, pourvoi n° 14-19702, PBRI.)

Commentaire (note explicative de la chambre sociale)
« L’employeur peut désormais s’exonérer de sa responsabilité en matière de harcèlement moral, quand un tel harcèlement s’est produit dans l’entreprise, mais pas à n’importe quelle(s) condition(s). En particulier, la seule circonstance qu’il a pris toutes les mesures immédiates propres à faire cesser le harcèlement moral et qu’il l’a fait cesser effectivement, circonstance nécessaire, n’est pas suffisante. Il importe également qu’il ait pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 121-1 et L. 4 121-2 du Code du travail et notamment qu’il ait (préalablement) mis en œuvre des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, en l’espèce, la décision de la cour d’appel, qui avait rejeté la demande du salarié au motif que l’employeur avait introduit dans son règlement intérieur une procédure d’alerte en matière de harcèlement moral qu’il avait mis en œuvre pour y mettre fin, est censurée. Il ne résultait pas de ces seules constatations que l’employeur avait pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4 121-1 et L. 4 121-2 du Code du travail. »

Portée de l’arrêt
L’employeur doit prendre toutes les mesures de prévention prévues par la loi, dans l’ordre fixé par les textes, de façon efficace pour en assurer l’effectivité au bénéfice des destinataires (les travailleurs salariés concernés). C’est à l’employeur de justifier qu’il a effectivement pris ces mesures et respecté son obligation de « résultat » en la matière (la charge de la preuve pèse sur le débiteur de l’obligation légale).
Il convient donc de construire les dossiers sur le fondement des dispositions des articles L. 4 121-1 et L. 4 121-2.

L'employeur plus que jamais a des obligations de résultats et doit prouver la mise en place de mesures correctives !


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