Verser 140 euros à chaque citoyen pour relancer l’économie européenne
Entretien - Alternative économique ou drone monétaire ..
Verser sans contrepartie 140 € par mois à chaque
citoyen de la zone euro via la Banque centrale européenne.
C’est la
proposition détonante faite par l’économiste Jézabel Couppey-Soubeyran
et ses coauteurs dans une note publiée par l’Institut Veblen.
Une
idée moins saugrenue qu’il y paraît.
La Croix : Vous proposez de remettre la politique monétaire
de la Banque centrale européenne (BCE) au service de tous les citoyens
en lançant l’idée d’un « drone monétaire ». De quoi s’agit-il exactement
?
Jézabel Couppey-Soubeyran : Le
principe est simple : il s’agit de distribuer directement et sans
contrepartie à chaque citoyen de la zone euro 140 € par mois pendant une
année test. Pour cela, la BCE ouvrirait un compte personnel pour les
339 millions de citoyens sur lequel serait versée la somme. Libre à
chacun de la dépenser comme il l’entend.
Une distribution
gratuite d’argent en somme. D’où vient cette idée qui paraît, au premier
abord, à la fois alléchante et un peu folle ?
J. C.-S. : L’idée
n’a rien de farfelu. La folie serait de continuer la même politique
monétaire conduite depuis dix ans et qui n’a produit que des résultats
médiocres.
Quel est le double constat que l’on peut faire ? Après
la crise de 2008, les grandes banques centrales, dont la BCE, se sont
lancées dans une politique monétaire accommodante qui consiste à mettre à
disposition des banques un tombereau de liquidités en espérant que
celles-ci distribueront des crédits aux entreprises et aux ménages pour
stimuler l’activité.
Comment arrive-t-on à cette somme de 140 € ?
J. C.-S. :
Quand la BCE a lancé sa politique de rachats d’actifs, en 2015, elle a
engagé un montant annuel de 480 milliards d’euros par an, soit 60
milliards par mois. Aujourd’hui, ce programme mobilise 20 milliards
d’euros par mois. Si l’on y ajoute 40 milliards, non pour des achats
d’actifs mais pour être directement distribués, on arrive, en divisant
cette somme par le nombre de citoyens de la zone euro, à 120 € si l’on
compte les enfants, à 140 € si l’on ne compte que les personnes de plus
de 15 ans.
Pour quels bénéfices économiques ?
J. C.-S. : Même
si l’on considère que les gens ne dépenseront que 50 % de cette somme,
cela permettrait de relancer la consommation et partant, de soutenir
l’investissement. On peut estimer qu’en année pleine, une telle mesure
augmenterait de 4 points le PIB de la zone euro. Cela aurait en outre
une incidence assez directe sur l’inflation. La BCE pourrait ainsi
regagner sa cible de 2 % beaucoup plus facilement et éloigner ainsi le
risque de déflation. Comparé aux effets de la politique monétaire
actuelle, ce serait un grand progrès.
Mais qui paiera, car l’argent gratuit n’existe pas ?
J. C.-S. :
Le coût de l’opération serait intégralement à la charge de la BCE et ne
pèserait donc pas sur les finances publiques des États. Rien dans les
textes n’interdit à la BCE d’assumer une perte puisque sa mission
principale n’est pas de faire des profits mais d’assurer la stabilité
monétaire. Cela étant, évidemment, cela soulève la question de
l’acceptation collective d’une telle mesure.
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