Les 10 % des salariés les mieux rémunérés perçoivent au moins 21 fois plus que les 10 % du bas de l’échelle, si l’on prend en compte les salaires tous temps de travail confondus. Cet écart a doublé en 50 ans, mais s’est stabilisé depuis 15 ans. Analyse d’Anne Brunner de l’Observatoire des inégalités.
Tous temps de travail confondus, les 10 % des salariés du privé les mieux rémunérés touchent 21 fois plus que les 10 % les moins bien payés, si l’on considère leur revenu salarial, selon les données de l’Insee qui datent de 20151. Un écart sept fois plus élevé que lorsqu’on compare les personnes à temps complet qui ont travaillé toute l’année.
Le revenu salarial correspond au montant des salaires perçus quelle que soit la durée du travail (temps complet, partiel ou travail en intermittence) mesurée sur l’ensemble de l’année.
Une personne qui n’a
travaillé que la moitié de l’année à temps complet n’est comptabilisée
que pour cette période.
On utilise rarement cette notion pour mesurer les inégalités de
salaire. Le plus souvent, on ne prend en compte que les salariés à temps
plein parce que la majorité des salariés en temps partiel ont fait le
choix de travailler moins.
On peut alors difficilement parler d’inégalités. Pourtant, le revenu salarial, issu d’un temps de travail choisi ou non, représente ce que chacun touche réellement à la fin du mois pour subvenir à ses besoins. Le revenu salarial, c’est aussi ce qui détermine nos cotisations pour les retraites.
On peut alors difficilement parler d’inégalités. Pourtant, le revenu salarial, issu d’un temps de travail choisi ou non, représente ce que chacun touche réellement à la fin du mois pour subvenir à ses besoins. Le revenu salarial, c’est aussi ce qui détermine nos cotisations pour les retraites.
En cas de séparation,
c’est ce qui va déterminer le niveau de vie de chaque membre du couple2. Puis, nombre de salariés qui ne sont pas à temps complet ou qui ne
travaillent qu’une partie de l’année n’ont pas choisi de travailler
moins.
On entre dans les 10 % les plus élevés des revenus salariaux à partir de 3 000 euros par mois. En bas de l’échelle, 10 % touchent au maximum 200 euros par mois.
On entre dans les 10 % les plus élevés des revenus salariaux à partir de 3 000 euros par mois. En bas de l’échelle, 10 % touchent au maximum 200 euros par mois.
le revenu salarial médian (la moitié gagne moins, l’autre plus) est de 1 530 euros, bien moins que le salaire net médian à temps plein (1 780 euros) du fait de la prise en compte des temps de travail inférieurs à l’année complète à temps plein. On entre dans les 10 % les plus élevés des revenus salariaux à partir de 3 000 euros par mois. En bas de l’échelle, 10 % touchent au maximum 200 euros par mois.
A ce
niveau, ce n’est pas seulement le temps partiel qui joue, mais surtout
l’hyper-morcellement du travail pour une fraction de la population qui
alterne périodes travaillées, chômage et précarité. Parfois en combinant
un salaire et une petite activité indépendante.
Comment le revenu salarial a-t-il évolué ?
Entre le début des années 1970 et le milieu des années 1990, le
rapport entre le seuil d’entrée dans les 10 % des revenus salariaux les
plus élevés et le plafond des 10 % les plus bas est passé de 12 à 26
dans le privé, un doublement ! Sur les quinze années suivantes, la
courbe s’est inversée et le rapport a diminué lentement (de 26 en 1995 à
21 en 2008) pour ensuite se stabiliser.
Tout s’est joué entre le milieu et le bas de la hiérarchie des
revenus salariaux.
En effet, le rapport entre les hauts salaires et le
revenu salarial médian est resté assez stable depuis 1970, il est
toujours de deux aujourd’hui. Dans la moitié haute de l’échelle des
revenus salariaux, on compte presque uniquement des salariés à temps
plein et qui travaillent l’ensemble de l’année. Au sein de ces salariés à
plein temps, les inégalités de salaire ont peu bougé.
En bas de l’échelle, le rapport entre le revenu salarial médian et le seuil des 10 % les moins bien rémunérés a augmenté. Il est passé de six à la fin des années 1960, à huit dans les années 1980, puis à plus de onze dans les années 1990.
En bas de l’échelle, le rapport entre le revenu salarial médian et le seuil des 10 % les moins bien rémunérés a augmenté. Il est passé de six à la fin des années 1960, à huit dans les années 1980, puis à plus de onze dans les années 1990.
Depuis, il stagne autour de dix.
La principale raison de cette évolution est le morcellement du temps
de travail.
La part du temps partiel – à 80 % féminin – dans l’emploi
salarié a doublé de 9 % à 18 %, entre 1982 et 1998 principalement. La
hausse du chômage et le développement des contrats à durée déterminée et en intérim,
depuis les années 1980, amènent une part croissante de salariés à
passer, au cours d’une année, par des périodes successives de travail et
de chômage. Les plus touchés sont les jeunes peu qualifiés, qui
connaissent des durées d’insertion sur le marché du travail de plus en
plus longues.
Un plateau semble toutefois avoir été atteint dans les années 2000.
La part du temps partiel dans l’emploi n’augmente plus.
La loi de 2014
impose une durée hebdomadaire minimum de 24 heures par semaine pour le
temps partiel. Les écarts de salaire entre femmes et hommes à temps
complet se réduisent. Le taux d’emplois précaires s’est globalement
stabilisé entre 2000 et 2014.
Pour autant, ce contexte plutôt favorable
ne permet pas d’effacer la hausse des années précédentes.
Depuis 2015, le chômage diminue, mais le nombre d’emplois en CDD et
en intérim augmente.
Nous ne disposons pas encore de données pour les
années plus récentes, mais dans un contexte où le mal-emploi global reste très élevé,
il est peu probable que les écarts se soient réduits en bas de l’échelle des revenus salariaux.
source: Cet article est publié en partenariat avec l’Observatoire des inégalités.
Retrouvez la version originale de cet article sur le site de l’Observatoire.